Anus horribili
Le grand danseur (et piètre chorégraphe, avancent les connaisseurs, dont je ne suis pas) que fut Rudolf Noureev, directeur de la danse à l’Opéra de Paris, était homosexuel, chacun le sait. On a d’ailleurs prétendu qu’il ne dansait jamais si bien que lorsqu’il s’était fait sodomiser juste avant d’entrer en scène – ce qui après tout ne gênait personne. Du reste, Noureev ne s’est jamais cru autorisé à faire bénéficier le public de cette petite prestation.
Il n’aurait donc pas pu (ou voulu) participer au spectacle qui se joue jusqu’au 15 mars au Théâtre de Vanves, dans la banlieue sud de Paris, et qui prend place dans le cadre du Festival Artdanthé – festival de danse, précisons-le une fois de plus.
L’un des spectacles présentés s’intitule Pâquerette, et Marie-Christine Vernay l’effeuille dans le numéro du lundi 23 février de « Libération ». La chose est un duo, joué par les danseurs François Chaignaud et Cecilia Bengolea, qui en sont les auteurs et les interprètes. Voici comment elle introduit (pardon), sous le titre « Extase », sa présentation du numéro : « Poursuivant les débats engagés autour de la nudité et des hiérarchies entre les différentes parties du corps, la pièce s’empare de l’anus et de la question de la pénétration ». On entre, si j’ose dire, dans le vif du sujet. Mais ce n’est pas fini, car Marie-Christine, elle-même en extase, poursuit : « Le fondement [!] de la chorégraphie se trouve dans l’anus [pardon, mais on aurait cru que c’était l’inverse], une partie du corps que la chorégraphie avait jusque là épargnée. Avec chacun un godemichet fiché là où l’on sait, avec une partie apparente et l’autre enfouie, François Chaignaud et Cecilia Bengolea bougent d’une tout autre façon [tu parles !] que si leurs parties intimes n’étaient pas concernées. En désexualisant cette partie érogène pour la faire fonctionner comme un muscle chorégraphique, ils touchent à la représentation puritaine du corps. [...] On s’amuse aussi à l’idée de penser, assis [aïe !], que la sexualité siège sur [sic] un sex-toy. L’aspect performance ne fait qu’ajouter au suspense. Le regard est pris autrement [lui aussi] et l’ensemble du spectacle, maîtrisé, a un charme fou ».
Vous vous doutez bien que ce compte-rendu admiratif et plein de charme fou est paru dans les pages Culture de « Libération ».