Orelsan
La polémique – dérisoire – du moment concerne un jeune rappeur normand de 25 ans, Aurélien Cotentin, qui se fait appeler Orelsan, et qui a commis voilà deux ou trois ans une chanson (à supposer qu’un rap soit une chanson) intitulée Sale pute. Il y clame sa haine d’avoir été trompé par la fille qu’il aimait, et lui souhaite tout le mal possible, en des termes dont je vous passe les détails, car vous êtes assez grands pour trouver la chanson vous-même et l’écouter.
Orelsan est passé hier soir sur Canal Plus, chez Denisot, et, bien qu’asticoté intelligemment par Jean-Michel Apathie et Ali Baddou, et bêtement par la très obstinée Ariane Massenet, il s’est bien défendu, en rappelant qu’un auteur ne doit pas être confondu avec ses œuvres, ni un interprète avec ses personnages. Entre autres moyens de défense, il a cité Stanley Kubrick et Orange mécanique – film qui, entre nous, était bien plus violent que la chanson incriminée.
Il se trouve que je tiens le rap pour de la bouse artistique, mais je ne prétends pas que les rappeurs sont tous idiots, incultes ou violents. Et ce jeune homme m’a paru intelligent, posé, calme, sympathique, modeste, et ne manquant pas d’arguments. Sa chanson, j’ai pris la peine de l’écouter, et je la trouve tout à fait défendable : sur la vidéo, on voit et on entend un jeune homme qui souffre et se défoule en insultant une fille qui sans doute ne méritait pas l’amour qu’il lui donnait. Seuls les imbéciles peuvent se dire « choqués ». Si mon moyen d’expression était le rap, j’aurais pu écrire ce genre de texte.
Pour en revenir à Kubrick, le réalisateur, très conscient que son film risquait d’avoir une mauvaise influence sur les esprits faibles, avait interdit son passage à la télévision et sa vente en cassettes ; de sorte qu’on ne pouvait le voir qu’en salles... où il était interdit aux moins de 17 ans. Kubrick a maintenu cette interdiction presque jusqu’à sa mort, il y a dix ans. Orelsan a fait exactement la même chose avec Sale pute : il ne la chante jamais en public et ne l’a incluse dans aucun de ses disques. Que faire de plus ?