Moulin à gaffes
Si l’adjectif frileux s’applique à quelqu’un – ou à une personne « morale », comme on dit –, c’est bien à la régie publicitaire de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens, qui gère l’affichage dans le métro). En ce moment se tiennent deux expositions consacrés à Jacques Tati, une à la Cinémathèque de Bercy, l’autre au CentQuatre, un grand hall où ont lieu des manifestations culturelles. À cette occasion, les organisateurs ont voulu faire poser des affiches dans le métro, et l’une de ces affiches représente une vue du film Mon oncle : on y voit Monsieur Hulot à bicyclette, avec son petit neveu installé derrière lui, et roulant paisiblement, la pipe au bec (c’est Hulot qui a la pipe, pas le neveu !).
Eh bien, il paraît que cette affiche pousse au crime : la loi du 19 janvier 1991, dite « loi Évin » contre le tabac, interdit toute incitation à la consommation de l’herbe à Nicot. En conséquence, la RATP a fait censurer l’image de Jacques Tati. S’asseyant sur une autre loi qui protège les œuvres, elle a fait retoucher cette photo, qui ne lui appartient pas, et remplacer la pipe par... un petit moulin à vent !
C’est complètement niais, introduit une invraisemblance dans le message, use anachroniquement d’une censure a posteriori, et prend accessoirement les Français pour des enfants en bas âge. Cette initiative est encore plus bête que la censure, naguère, de l’affiche du film Amen., de Costa-Gavras, où la croix de Jésus avait été redessinée pour ressembler à une croix gammée : là, il y avait eu des plaintes. Mais qui s’est plaint de l’influence néfaste de Tati sur les fumeurs potentiels ?
Détails qui tuent : d’une part, la loi Évin est censée protéger les jeunes, or rares sont ceux qui ont envie de fumer la pipe, et, de plus, dans aucun de ses films on ne voit Hulot allumer sa pipe !