Censurez, il en restera toujours quelque chose...
La chose a tout l’air d’un canular, mais notre époque est riche en ce domaine. En tout cas, un journaliste canadien, Ezra Levant, il est vrai activiste – ce qui le rend suspect –, a écrit en mai un article à propos d’un acte de censure opéré sur Internet par le gouvernement australien, qui fait passer notre célèbre loi Hadopi pour une bonne plaisanterie. Ce gouvernement aurait en effet établi, à titre pour l’instant expérimental, une liste noire comportant 1370 adresses de sites Internet, la plupart pornographiques. Mais l’intérêt de la chose est que, d’une part, cette liste est SECRÈTE et le restera, et d’autre part, que quiconque se connectera à l’un de ces sites (sans avoir par conséquent conscience qu’il commet un acte dit « répréhensible ») pourra se voir infliger une amende équivalant à 7042,12 euros pour chaque jour où cette infraction sera commise.
Le côté ubuesque de la situation tient en ce que le gouvernement australien ne peut pas publier sa liste, sans quoi il ferait de la publicité aux sites qu’il proscrit ! Car vous pensez bien qu’en dehors de l’Australie, on ne risque rien, et que, la liste une fois divulguée, ces salauds d’étrangers, alléchés, se feraient un devoir de consulter les sites ainsi désignés à leur aimable attention. Cornélien !
La liste a toutefois été communiquée à quelques fournisseurs d’accès à Internet australiens, pour les inciter à bannir eux-mêmes les sites prohibés. Triomphe total : une fuite s’est évidemment produite aussitôt, et quelqu’un l’a communiquée à wikileaks.org, un site qui publie les documents confidentiels ou censurés un peu partout dans le monde, et qui est littéralement la bête noire des gouvernements (je vous engage donc à mettre ce site dans vos favoris, les documents français ne lui échappent pas non plus ! Dans la foulée, allez lire cette page en français : http://wikileaks.org/wiki/Les_censeurs_du_net, vous allez vous marrer). Si bien que la page où Wikileaks publiait cette liste... a été ajoutée à la liste noire du gouvernement australien ! On n’en sort pas.
Il est bon de faire savoir qu’un tel projet avait été envisagé en France, à l’occasion de la loi Loppsi (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure), ancêtre d’Hadopi, et qu’il a été abandonné pour la même raison : on faisait de la pub aux sites qu’on voulait interdire.
Au fait, comme le ridicule s’insinue partout, les spécialistes qui ont établi la liste noire australienne ont travaillé un peu vite, et y ont inclus des sites parfaitement anodins, faute d’avoir vérifié (ils ne tenaient pas à se souiller les yeux ?). C’est ainsi que s’est retrouvé banni le site www.vanbokhorst.nl, qui est celui d’une société néerlandaise de location de chariots élévateurs !