La bande dessinée du « Canard »
Depuis un mois et demi, « Le Canard enchaîné » publie une bande dessinée de Pétillon, Enquête au paradis (sous-entendu, « fiscal »), une aventure de son détective Jack Palmer. Les premières semaines, cette B.D. occupait une demi-page, puis on est passé à une page entière.
Mauvaise idée. Il n’est pas certain que l’intiative ait enchanté les lecteurs du « Canard », hebdomadaire dont la vocation n’est pas de publier ce genre de production. Mais peut-être cela cadre-t-il avec l’évolution du journal, qui est de plus en plus mal écrit. Normal, tous les grands stylistes qui composaient le corps des rédacteurs du « Canard » sont morts ou ont pris leur retraite. Outre cela, le dessinateur, Pétillon, possède un style peu lisible et caractérise assez mal ses personnages, qu’on peine à distinguer les uns des autres (la réduction des cases à l’impression n’arrange rien), si bien que le déchiffrement de ses dessins exige un effort constant.
Mais le chef-d’œuvre de l’absurdité vient de ce que rien n’a été prévu pour que « Le Canard » consacre une page entière à une nouvelle rubrique, surtout aussi encombrante. Si bien que, pendant un mois et demi, la bande dessinée a été logée sur la page 5, et que les articles habituels qu’on retrouvait sur cette page depuis des années ont été expulsés ailleurs. Alors, durant tout ce temps, ils se sont baladés d’une page à l’autre du journal, telle rubrique se retrouvant sur telle page, et son ex-voisine sur telle autre. Dans le dernier numéro, la B.D. est passée de la page 5 à la page 4, et toutes les rubriques exilées sont revenues à leur place d’antan... mais les articles politques de la page 4, eux, sont tous passés à la trappe, purement et simplement !
« Le Canard enchaîné » ne gagnera rien à tenter de rameuter des lecteurs jeunes en les flattant de cette façon. Ce mauvais calcul va se payer, au contraire, par la fuite des anciens lecteurs, habitués à un contenu rédactionnel sérieux et documenté.