Contre le sport
Non, je ne vais pas vous ressortir, ainsi qu’ils le font tous dans les radio-télés, la boutade anti-sport de Winston Churchill, que chaque fois ces neuneus d’animateurs présentent benoîtement comme un scoop... qui n’en est un que pour eux. Réinventer la roue, ils adorent. Je voulais parler d’autre chose : pour ma part, je n’ai jamais compris – et jamais voulu admettre – l’obligation qui semble faite aux chefs d’État d’ouvrir les Jeux Olympiques lorsqu’ils ont lieu sur le territoire national (les Jeux, pas les chefs d’État). Quel article de la Constitution précise-t-il cette prétendue obligation ? Poser la question, c’est y répondre : aucun. Donc tout dirigeant d’une nation peut (et devrait) refuser de s’y plier. Pour des tas de raisons qu’Albert Jacquard a très bien exposées dans son livre Contre les Jeux.
Pourtant, même De Gaulle s’y est conformé. Façon de dire qu’il a cédé à la démagogie.
Bien entendu, il y a pire : assister aux matches de foot, et faire semblant de s’y intéresser. Qu’est-ce qu’ils craignent, nos élus, qu’on les siffle comme on siffle La Marseillaise ? (Ce qui, soit dit en passant, ne me scandalise pas : siffler un hymne national, c’est surtout condamner la politique de ceux qui gouvernent). Or, aucun risque, s’ils sont absents ! Je leur conseillerais plutôt, et vivement, d’imiter l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny. Au cours d’une des rares interviews qu’il accordait aux journalites, et interrogé sur le sport qu’il préférait, alors que tout le monde attendait qu’il réponde, comme tout le monde, que c’était le football, il avait répondu « Le cyclisme et la boxe ». Interloqué, désarçonné, presque scandalisé, son intervieweur avait insisté : « Mais... et le football, monsieur le président ? ». Malgré cela, le Vieux (c’était son surnom quasi-officiel) avait fait la moue, écartant l’importune suggestion : bof, non, décidément, le foot, ouais, bien, bon, mais ça ne l’emballait pas. Et lorsque l’un des matches de finale de la Coupe d’Afrique eut lieu à Abidjan, dans le stade qui portait son nom, il vint inaugurer la cérémonie, puis, sans plus attendre, il partit et n’assista pas au match !
Je rêve de voir un de nos présidents faire montre de la même et superbe indifférence.