Prendre au sérieux les règles à la noix

Publié le par Yves-André Samère

Internet a beaucoup contribué à rendre les gens cinglés. Je ne prétends pas qu’il ne rend pas de précieux services, notamment en matière de recherches, mais, en contre-partie, il a provoqué des comportements étranges.

Ainsi, cette « charte » baptisée « Nétiquette », et qu’une poignée de gourous un peu frapadingues ont concoctée en octobre 1995. Elle prétendait définir les règles de conduite et de politesse à adopter sur Internet, et l’un des articles de cette constitution d’un nouveau genre conseillait d’écrire en minuscules sur les forums et dans les courriers électroniques, car l’utilisation des majuscules revenait à « crier sur le Web ». Sic. Concluons qu’aller sur Internet ne rend pas forcément sourd.

Comme chaque fois qu’un farfelu invente un truc complètement naze, cette pseudo-règle, qui d’ailleurs ne se voulait qu’une préconisation, a été prise au sérieux par des armées de zozos, qui, dès lors, se sont mis, de leur propre initiative, à faire la police sur les forums. Mais la chose est allée plus loin, puisque Vicki Walker, une experte-comptable de l’entreprise néo-zélandaise ProCare Health, il y a deux ans, s’est fait mettre à la porte pour avoir commis l’horrible crime d’envoyer aux autres employés de la firme des courriers électroniques entièrement rédigés en majuscules, en gras et en rouge. La société affirmait que ces courriers, en violant la Netiquette, causaient des désagréments au sein des employés, parce que cela les perturbait. Comme on sait, les entreprises travaillant dans le domaine de la santé, comme ProCare Health, ne recrutent que des petites fleurs délicates qui ne résistent pas aux méfaits de la typographie.

Le côté ubuesque de la situation a incité l’employée licenciée à se présenter devant les prud’hommes, qui, sans surprise, ont conclu en sa faveur et ont condamné ProCare Health à lui verser une indemnité de 17 000 dollars en compensation de ce licenciement abusif... qui n’avait été précédé d’aucun avertissement.

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