Teo Gheorghiu
Il est rarissime qu’un jeune musicien prodige fasse une carrière d’acteur, ni même en commence une. Il y a presque soixante ans, ce fut Roberto Benzi, chef d’orchestre dès son enfance, et qu’on a vu au cinéma, d’abord dans un documentaire, ensuite dans deux films de fiction, à douze ans et demi puis à quinze ans. Aujourd’hui, il y a Teo Gheorghiu.
Je l’ai découvert hier soir, tout à fait par hasard, parce que, ayant raté le début d’un film de Scola sur une autre chaîne, j’ai zappé sur Arte, qui passait son unique film, Vitus, sorti en 2006, quand il avait quatorze ans, et qui raconte une histoire d’enfant surdoué doublé d’un pianiste virtuose et prodige.
Souvent, les films qui montrent un acteur en train de jouer du piano sont assez ridicules, parce qu’un acteur qui ne sait pas jouer du piano ne sait pas non plus prendre les attitudes normales d’un pianiste (habituellement, il se balance avec langueur de droite à gauche, comme un Juif d’avant en arrière face au Mur des Lamentations, et, bien entendu, pose ses doigts n’importe où), de sorte que la supercherie vous saute aux yeux. Mais dans les nombreuses scènes où Teo jouait du piano, il était évident qu’il ne simulait pas, et qu’un non-pianiste n’aurait jamais pu faire ce qu’il faisait, surtout avec des morceaux aussi difficiles : Bach, Schumann, Liszt surtout, qui est d’une difficulté diabolique. J’ai donc cherché à me renseigner sur ce garçon, qui, du reste, n’était pas mauvais acteur du tout..
Teo est né en Suisse le 12 août 1992, non loin de Zürich, ville où il habite toujours et où il a donné son premier concert à l’âge de douze ans. Le film dont il est question plus haut a été imaginé d’après sa propre existence, mais le scénario a été copieusement chargé pour les besoins du romanesque, et sa vie réelle a été beaucoup plus calme. Le film lui a valu une récompense à Baden, en Autriche, le Undine Award du meilleur acteur débutant. Enfin, il a enregistré son premier disque en avril de cette année, deux concertos, celui de Schumann (en la mineur, opus 34), et le troisième de Beethoven, en do mineur opus 37.
Vous pouvez voir des vidéos de lui, notamment l’une où il commente son audition pour le film, à onze ans (il a encore ses dents de lapin, et il va d’un piano à l’autre dans un grand magasin de musique), et une autre où il joue Ravel.