507 heures, pas moins !

Publié le par Yves-André Samère

D’abord, je remercie Josiane Balasko, qui m’a fourni le renseignement nécessaire. Parlant de ce navet que fut Les bronzés 3, elle a fait remarquer que beaucoup d’acteurs et de techniciens acceptent de participer au tournage de films dont on pressent d’avance que ce seront des bouses infâmes, mais qu’ils sont bien obligés d’y aller, pour une raison que comprennent tous les intermittents du spectacle. J’explique.

Un intermittent, par définition, c’est quelqu’un qui ne travaille pas tout le temps. Dans le cinéma, à la télévision ou au théâtre, seul Depardieu ne détèle jamais. Vous ne travaillez que si on vous engage, et, le reste du temps, vous vous inscrivez au chômage pour toucher des indemnités. Normal. Or la loi qui régit ce point prescrit que n’ont droit à l’ARE (Allocation d’aide au Retour à l’Emploi), versée par l’Assedic pendant 243 jours, que les artistes et techniciens demandeurs qui peuvent justifier d’une durée du travail supérieure à 507 heures sur les 319 derniers jours pour les artistes, ou sur les 304 derniers jours pour les ouvriers ou les techniciens. Votre indemnité varie en fonction de votre salaire habituel et du nombre d’heures que vous avez faites.

De sorte que, si vous n’avez pas atteint vos 507 heures, vous perdez votre droit à être indemnisé. C’est un peu l’équivalent du principe résumé par Coluche : moins tu peux payer, plus tu payes. Et donc, pour « toucher le chômage », vous acceptez tout ce qui se présente, chef-d’œuvre ou navet. Ce n’est pas un choix artistique, pas non plus une préférence en faveur d’un bon patron, mais une question de survie.

Et c’est ainsi qu’un Abdellatif Kechiche, dont je me demandais récemment pourquoi il n’avait pas écopé d’une grève lors du tournage de son film primé à Cannes, a pu doubler le temps de tournage (ce n’est pas là que l’équipe était brimée, si elle était payée), mais aussi, faire travailler ses techniciens seize heures par jour en les payant huit heures, ou les réveiller au milieu de la nuit pour leur annoncer qu’au matin, ils auraient telle ou telle tâche à faire, qui n’était pas prévue au programme de la journée. Cet esclavagiste connaît la loi mieux que vous et moi, et il en profitait. Les récalcitrants éventuels auraient pu être renvoyés, et, bien que le tribunal des prud’hommes ne soit pas fait pour les caniches, le procès risque fort de durer au-delà du temps de survie du simple travailleur.

Et même si le travailleur gagne, le patron peut encore faire appel et prolonger le jeu d’un an ou deux. Lui a les moyens d’attendre. C’est donc bel et bien un chantage à l’emploi.

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