Acteurs enfants
Les lois françaises concernant le travail des enfants sont assez curieuses. Autrefois, il leur était interdit de prononcer le nom du produit dans les spots publicitaires, mais cette interdiction est tombée en désuétude, et l’on peut entendre quotidiennement, à la télévision, des gosses vanter telle camelote, sans que quiconque s’en émeuve.
En revanche, ils ne peuvent pas jouer librement au théâtre ou au cinéma. Au-dessous d’un certain âge (je crois que c’est seize ans, l’âge limite de l’obligation scolaire), il leur est interdit de jouer deux jours de suite. Cela oblige les directeurs de théâtre à engager au moins deux jeunes acteurs pour le même rôle, et cela peut aller jusqu’à quatre. Ainsi, en avril 1994, pour la reprise au théâtre Hébertot de La ville dont le prince est un enfant (pièce de Montherlant déjà jouée en 1967 au théâtre Michel), les interprètes du personnage de Serge Souplier étaient quatre. Bizarrement, la version télévisée n’a utilisé qu’un seul interprète, et qui avait douze ans quand son personnage devait en avoir quatorze et demi...
Aux États-Unis, la loi est presque aussi contraignante, mais elle semble concerner surtout les gosses en bas âge. C’est pourquoi toutes les séries télévisées engagent des tandems de jumeaux pour les rôles de jeunes enfants. Lisez les génériques de fin ! Mais c’est récent, sinon Stand by me n’aurait pas été réalisé, par exemple. Il faut dire aussi que le cinéma a tendance à engager des acteurs majeurs mais qui ont un physique d’enfant. Leonardo DiCaprio a gardé longtemps un physique très juvénile, par exemple dans un excellent film, Blessures secrètes (en V.O., This boy’s life), or il avait déjà dix-neuf ans au moment du tournage ; il y a surtout Freddie Highmore, dix-neuf ans dans quatre jours, qui vient à peine d’abandonner ce type de rôle.
Heureusement, il n’en a pas toujours ainsi, car certains acteurs connus, qui ont débuté enfants, n’auraient jamais fait carrière : Elizabeth Taylor, Judy Garland et son partenaire Mickey Rooney, Roddy McDowall, Ron Howard (qui a débuté à quatre ans), Shirley Temple (là, le cinéma n’y aurait pas perdu grand-chose !), Freddie Bartholomew, et chez nous, par exemple, René Clément n’aurait jamais pu faire Jeux interdits, puisque Georges Poujouly, excellent acteur qui n’a pas eu la carrière qu’il méritait, avait douze ans, et sa partenaire Brigitte Fossey, six ans. Or ils étaient constamment présents à l’écran et ont forcément travaillé tous les jours.
Cela ne signifie pas que les films français n’engagent plus d’enfants dépourvus de frères jumeaux. Mais on leur donne de petits rôles qui leur permettent de ne pas jouer quotidiennement.