Bonnes intentions

Publié le par Yves-André Samère

La période actuelle est propice à l’extension d’une des plus belles arnaques nées avec Internet. Comme beaucoup de gens (la quasi-totalité des êtres vivants, en fait) se sentent pris de l’irrépressible envie de souhaiter une bonne année à leurs contemporains – merveilleuse coutume dont des siècles d’expérience ont prouvé l’efficacité –, ceux d’entre eux qui se sentent en veine de modernité trouvent plus rapide, plus pratique et moins coûteux d’envoyer des cartes de vœux électroniques. Rien de plus simple, il existe des quantités de sites spécialisés dans cet office, qui se chargent, et surtout GRATUITEMENT, de faire parvenir, à vos parents et amis, de bien jolies images sur lesquelles vous pourrez coller le texte aimable ou affectueux que vous voudrez. Ah ! que le monde est bien fait, et que ces honnêtes commerçants sont obligeants !

Ben non... En réalité, on vous roule dans la farine, on vous exploite, et vous rendez à vos parents et amis un très mauvais service !

Réfléchissons un instant : pour que votre carte postale électronique parvienne aux destinataires, vous devez bien indiquer leur adresse – électronique elle aussi. Et comme des dizaines de milliers de gogos tombent dans le panneau, voilà une masse d’adresses électroniques atterrissant dans l’escarcelle des promoteurs de ce pseudo-service « gratuit ». Avec ce renseignement que vous aurez eu l’innocence de leur refiler, ils alimentent un fichier d’adresses qui ne leur a rien coûté, et qu’ils revendent, soit à des entreprises de vente par correspondance, soit à des spammeurs – vous savez, ces malfrats qui vous inondent d’offres pour du Viagra ou pour des méthodes du style Enlarge your penis. Et les fichiers, tous les fichiers, ça se vend très cher, comme vous l’ignorez peut-être. Ainsi, en 1971, au temps où le cher De Gaulle régnait sur ce pays, le secrétaire général du parti gaulliste, René Tomasini, avait revendu, à diverses firmes dont une certaine Industra, société de travail intérimaire (dont, par le plus grand des hasards, il était le PDG), le fichier conservé à Rennes des abonnés à l’ORTF, la Télévision française de l’époque. Ce fichier contenait la bagatelle de 2 388 949 noms et adresses (quelques précisions parmi beaucoup d’autres ICI et , au cas où cela vous intéresserait). Énorme bénéfice, comme on imagine. Naturellement, il n’y a eu aucun procès. Vous pensez, le patron du parti gaulliste...

Et voilà. Grâce à vous, les destinataires de votre carte de vœux vont recevoir du spam jusqu’à la fin des temps... À moins qu’ils changent d’adresse électronique et vous prient de, désormais, garder pour vous vos « meilleurs vœux » (variante : vos souhaits de bon anniversaire). Ils auront expérimenté le pavé de l’ours, mais au goût du jour.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :