Cinquante nuances de plagiat
On sait que tous les critiques sont des puits de culture. Au moins dans leur spécialité. Je veux dire par là que les critiques littéraires ne vont jamais au cinéma, et que les critiques de théâtre n’ont jamais entendu la moindre musique ni contemplé le moindre tableau. En somme, dans ce métier, à chacun son, euh... son métier, justement, et les vaches sont bien gardées.
Or, rêvons un peu. Par exemple, imaginez que les critiques de livres aillent un peu au cinéma, de temps à autre. Oui, je sais, je délire. Il n’y a qu’en politique que ces choses sont possibles, et que deux anciens ministres de Sarkozy deviennent, l’une chroniqueuse à la télé, et l’autre, chargé d’un magazine quotidien sur France Inter (alors que, un an auparavant, comme ministre de la Culture et de la Communication, il était le patron de la radio nationale, et voir un ancien patron devenir employé de l’entreprise qu’il supervisait, ça c’est de la République !). Donc, imaginons que, l’année dernière, lorsque parut ce bouquin à la noix qui a eu tant de succès, Cinquante nuances de Grey – non, je ne l’ai pas lu, la vie est courte –, les critiques littéraires qui ont fabriqué à la chaîne des dizaines d’articles sur ce chef-d’œuvre se soient souvenus d’être allés au cinéma en décembre 2005. Ils auraient peut-être vu alors un film qui n’a eu aucun succès, réalisé par Ira Sachs, sorti aux États-Unis au Festival de Sundance, et intitulé Forty shades of blue ! Autrement dit, le titre du bouquin est un pur démarquage du titre de ce navet.
Soyez heureux, vous avez l’exclusivité de cette bouleversante révélation. Il est vrai que votre ami Yves-André est un anormal : il voit les films et il lit les livres ! Ça finira mal.