Daniel Auteuil, cinéaste ?

Publié le par Yves-André Samère

Daniel Auteuil, parce qu’il est originaire de la même région que Marcel Pagnol, se croit tout désigné pour tourner des remakes des films de ce dernier. À ce jour, il en a fait trois : La fille du puisatier, sorti en 2011 (la première version datait de 1940), puis Marius et Fanny, sortis ce matin. Certes, les jeunes interprètes des deux derniers sont un peu plus jolis que ceux d’origine (qui donc pouvait tomber amoureux d’Orane Demazis en Fanny alors qu’elle avait plus du double, 37 ans, de l’âge de son personnage ? L’interprète de Marius était de trois ans plus jeune !), mais j’en ai plus que marre des films parfaits qu’on nous concocte aujourd’hui. Non, je ne suis pas passéiste, j’estime simplement que la perfection formelle, surtout technique, chasse le rêve et la poésie.

Pagnol était très peu cinéaste, au contraire de ce qu’il croyait. Il ne pigeait rien à la technique, et ne s’occupait que du texte. Si bien que, dans ses films (en fait, le premier Marius, en 1931, n’a pas été réalisé par lui, mais par Alexander Korda, un Hongrois qui a beaucoup travaillé à Londres, où il a fait plus tard, avec cinq autres réalisateurs, mais sans signer au générique, Le voleur de Bagdad, avec Sabu), dans ses films, donc, le son était mauvais, l’image était tremblotante, floue et mal cadrée, et les acteurs avaient la bride sur le cou, donc jouaient mal – les acteurs sont du bétail, c’est pourquoi il faut les tenir serrés.

Mais l’action tenait debout, les personnages existaient, l’émotion naissait de ce qu’ils disaient. On sentait la sincérité. À côté de cela, la technique n’est rien.

Prenons un exemple : vous ne pouvez pas ignorer le nom d’Ed Wood, car il a été qualifié de « plus mauvais réalisateur de l’histoire du cinéma ». Tim Burton a fait en 1994, avec Johnny Depp, un film qui porte son nom, et qui est le meilleur de sa filmographie. Or, quand Ed Wood voulait filmer une soucoupe volante, comme dans Plan 9 from outer space, que faisait-il ? Il attachait un plat d’étain à une ficelle, fixait la ficelle au bout d’un bâton, et agitait le tout à deux mètres devant la caméra ! Le public se marrait face à tant de naïveté, mais le film est de 1959, et on s’en souvient encore (il est passé à la télévision). À l’opposé, un blockbuster comme Battleship, sorti l’année dernière et fabriqué à grands coups de trucages numériques, est complètement tombé dans l’oubli. Et je ne vous parle pas de John Carter, même époque, même bide ; ni de World invasion: Battle Los Angeles, l’année précédente et résultat identique.

Le public sait très bien qu’avec les trucages numériques, TOUT est possible, donc il ne s’étonne plus de rien. Et quand on ne s’étonne plus, on ne s’émerveille plus. Je commence à croire que le cinéma populaire (le cinéma tout court ?) est mort. C’est l’excès de technique qui l’a tué, pas le téléchargement illégal.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

D
Justement. Cela ne s'entend presque pas, mais cela se sent.<br /> Il était premier prix du conservatoire national de Paris.
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Y
Apparemment, tous les pianistes virtuoses que j’ai entendu en concert avaient un jeu parfait !
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D
Comme on dit qu'un visage trop parfait et symétrique n'est pas beau. Remarquez, Orane Demazis a évité cet écueil. Elle ressemblait à un mouton (je n'ai rien contre les moutons, cela dit) et jouait<br /> comme un pied (de mouton ?).<br /> Un ami musicien et pianiste accompli me disait qu'un jeu sans fausses notes serait un jeu imparfait... Si on ne sent pas l'humain derrière une œuvre, autant regarder des cailloux.
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