Dans les griffes de l’Agrif
Un ami m’a fait passer un tract publié sur Internet, traitant d’une affaire gravissime. Jugez-en : le maire de Strasbourg, Roland Ries, fait servir dans les cantines scolaires de sa ville de la viande halal, qui satisfait donc aux lubies de la religion musulmane sur ce qui est « pur » et « impur » dans la nourriture, mais il a oublié d’y faire servir du poisson le vendredi ! N’est-ce pas impardonnable, et la preuve que ce traître est vendu à l’islam ? C’est certainement un terroriste.
En tout cas, c’est ce qu’ont dû penser les excités de l’Agrif (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne – ouf !), une organisation présidée par un certain Bernard Antony, ancien député européen appartenant au Front National, et qui affirme défendre les victimes des « racismes antifrançais et antichrétien ». L’association dément être liée au FN, mais cela ne trompe personne. Passons. Elle a donc publié ce tract sur Internet, qui cite le maire de Strasbourg : « Nous servons de la viande halal par respect pour la diversité, mais pas de poisson par respect pour la laïcité ». Et l’Agrif conclut par un jeu de mot désopilant sur l’Allahicité, que je regrette de n’avoir pas trouvé moi-même tant il est spirituel.
Trève de plaisanterie, ce n’est pas mon genre. Je voudrais simplement faire remarquer qu’aussi bien ce maire, s’il a vraiment dit ça, que les sympathiques membres de l’Agrif, entre les griffes desquels je ne vous souhaite pas de tomber, sont une bande d’idiots. Pourquoi ? Parce que la coutume de manger du poisson le vendredi n’a jamais été une obligation de la religion chrétienne ! Le clergé se contentait, jadis, de conseiller aux fidèles d’éviter la viande le vendredi en signe de deuil, parce que Jésus est censé avoir été crucifié un vendredi ; et que donc, ce jour-là, il serait séant de la remplacer par autre chose, par exemple du poisson. Mais, personnellement, si vous préfériez le caviar, cela ne m’aurait pas gêné. Cette coutume a été abandonnée par le Vatican il y a plusieurs dizaines d’années, de sorte que ceux qui y font encore référence auraient dû disparaître comme les dinosaures qu’ils sont.
Je vous avais prévenu que c’était une affaire gravissime.