Des sous-titres et autres nuisances
Hier soir, la télévision britannique a diffusé le neuvième et dernier épisode de Downton Abbey, saison 4. Je vous rassure tout de suite, ce n’est pas la fin, la cinquième saison est prévue pour être diffusée en octobre prochain, c’est dit dans le générique de fin de l’épisode, après une belle scène sur la plage – je mentionne le détail pour vous prouver que je l’ai vu.
Dès neuf heures ce matin, j’avais, en quatorze minutes, téléchargé cet épisode, et les sous-titres anglais en une ou deux minutes. J’aurai sans doute les sous-titres français ce soir. À ce stade, je vous entends dire : mais, graine de courge, qu’as-tu à faire des sous-titres anglais si tu peux avoir les sous-titres français ? Je vous répondrai ceci : on ne peut faire confiance à personne, et surtout pas à un faiseur de sous-titres. Cette semaine, Stéphane Bern a reçu dans son émission sur RTL le dessinateur Zep, lequel a déclaré qu’il téléchargeait le même feuilleton (tu entends, chère Hadopi ? Zep télécharge illégalement, traîne-le vite devant un tribunal, si tu peux mettre la main sur ce Suisse). Or il a estimé déplorable la qualité des sous-titres incrustés dans l’image, car criblés de fautes : d’orthographe, de grammaire, de ponctuation, de typographie, de mise en page (par exemple, des sous-titres sur trois ou quatre lignes, contenant les répliques de plusieurs personnages différents). Il est vrai que les – mauvais – amateurs qui salopent bénévolement le travail n’ont avec la grammaire que des rapports à la fois lointains et conflictuels, et que, par exemple, les accords sont traités avec un goût de la fantaisie grouchomarxiste auquel il faut rendre hommage ; comme ceux des verbes, accordés avec le pronom le plus proche, ce qui donne des phrases du genre « Je vous regardez venir ».
Il y a aussi les recordmen de la culture. Ainsi, dans l’épisode 3 de la saison 3, une grand-mère dont la petite-fille se marie aurait voulu lui offrir sa robe de mariée, et lui dit « J’étais triste que tu n’aies pas choisi Patou ». Hélas, l’Anglais qui a transcrit à l’oreille les dialogues diffusés, et à plus forte raison le traducteur français, ignoraient que Jean Patou était un couturier français, célèbre en 1920, année où l’histoire se passe. L’Anglais a donc transcrit “I was sad you decided against Pat, too”. Le Français a suivi fidèlement, et la réplique ne veut rien dire, ni en français ni en anglais. Un chef d’œuvre du burlesque, dont je me régale et qui me réconforte...
Zep a aussi rapporté à Bern cet épisode dans lequel un petit malin a trouvé spitrituel de parsemer sa traduction d’une demi-douzaines de pénis, tout à fait incongrus dans le milieu très aristocratique où tout cela se passe. Je confirme, l’épisode m’est passé sous les yeux !
Vous comprenez à présent pourquoi je télécharge les sous-titres dans les deux langues : je confronte les deux versions, et je fais mes propres sous-titres, qui sont par conséquent corrects. Ce travail, je le fais depuis si longtemps que j’en ai produit des tonnes, c’est très facile à faire, et je pourrai regarder mes films et séries favoris jusqu’à la fin des temps, sans rougir de honte.