Devoir de réserve
À chaque jour sa polémique ridicule. Aujourd’hui, elle vient d’un député UMP, qui a perdu une bonne occasion de se taire, Éric Raoult. Prenant prétexte que la lauréate du prix Goncourt, Marie Ndiaye, a préféré quitter la France pour s’installer à Berlin en argüant que Sarkozy avait instauré chez nous un régime « monstrueux » (bien entendu, elle exagérait un peu et faisait là de la littérature) basé sur le « flicage », il interpelle le ministre de la Culture pour lui demander de rappeler à l’écrivain son « devoir de réserve » qu’il estime « dû aux lauréats du Prix Goncourt » – sans se rendre compte de sa bourde (peu familiarisé avec sa langue maternelle, il a sans doute voulu dire « dû PAR les lauréats du Prix Goncourt »). On imagine le cher Frédo sermonnant un écrivain désormais berlinois, qui ne manquerait pas d’en être terrorisé...
Le pauvre Éric, à présent montré du doigt comme encore plus bête que Frédéric Lefebvre, va devoir sortir avec une fausse barbe et des lunettes fumées, puisque les propos de Marie Ndiaye avaient été publiés... en août, alors qu’elle n’avait pas encore reçu son prix Goncourt !
Rappelons au passage que ce prix est décerné par un jury d’écrivains, et que, faute de vivre sous un régime néo-soviétique, nous n’avons pas le bonheur de posséder des artistes d’État. Le devoir de réserve s’impose aux employés de l’État, fonctionnaires, militaires, magistrats, ministres, mais c’est tout. Les autres citoyens font et disent ce qu’ils veulent. Certes, la chose embête beaucoup le maître du pauvre Raoult, mais c’est ainsi, pour quelque temps encore.