Élémentaire, ma chère Agatha

Publié le par Yves-André Samère

C’est toujours avec un plaisir un peu sadique que l’on découvre des détails ignorés des autres, parce qu’ils ne savent pas voir ou qu’ils ne prennent pas la peine de chercher : on préfère, en général, répéter ce que tout le monde dit ou pense, cela permet de décrocher un poste à la télé ou à France Inter.

Ainsi, il y a quelques années, j’avais pris le malin plaisir de faire savoir à mes amis que l’expression « Élémentaire, mon cher Watson », que beaucoup placent dans la bouche de Sherlock Holmes, n’était pas née sous la plume du concepteur de ce héros, Arthur Conan Doyle, puisque jamais il ne l’utilise dans son œuvre (son fils Adrian, en revanche, l’a employée une fois, mais c’était beaucoup plus tard, dans une nouvelle à la manière de son père). Certes, ce détail est assez connu, mais le véritable auteur de l’expression ne l’était pas. Or j’avais découvert par hasard que la première apparition de cette expression était due à… Agatha Christie, mais en même temps, j’avais été induit en erreur par une affaire de traduction.

En effet, dans la traduction française de la nouvelle The affair of the pink pearl (en français, L’affaire de la perle rose), incluse dans le recueil Partners in crime (en français, Associés contre le crime, qui met en scène Tommy et Tuppence Beresford), j’avais trouvé le fameux passage pseudo-sherlockholmesien, et comme il ne semblait en exister aucune trace antérieure, j’en avais déduit que la grande Agatha en était le premier auteur, et j’avais daté cet évènement de 1929, date de publication de ce recueil.

Or je m’étais trompé ! Si les traducteurs avaient effectivement traduit un certain passage par « Élémentaire, mon cher Watson », le texte en anglais dit en réalité « Obvious, my dear Watson », ce qui signifie en réalité « Évident, mon cher Watson », et flanque du même coup ma révélation par terre !

Mais les dieux étaient avec moi, car je possède aujourd’hui le texte intégral en anglais des œuvres d’Agatha Christie, et aujourd’hui j’ai retrouvé, cette fois, la bonne occurrence de ce que je recherchais, avec le texte exact, « Elementary, my dear Watson ». Il se trouve dans un ouvrage, toujours consacré à Tommy et Tuppence, intitulé The secret adversary. La citation, qui n’apparaît qu’une fois, se trouve au chapitre XVII, titré « Annette », aux trois-quarts du livre. Et, ô bonheur, cet ouvrage est encore plus ancien, puisqu’il a été publié en janvier 1922 ! C’est là que les deux jeunes héros apparaissent pour la première fois et fondent leur agence de détectives.

Par conséquent, et jusqu’à la preuve du contraire, Agatha Christie est bien l’auteur de « Élémentaire, mon cher Watson ».

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

P
Dans "the casebook of H.P" Poirot dit à Japp "obvious my dear Watson"; mais la phrase était déjà un vieux cliché. Par exemple, en 1909 the Time Dispatch publie la phrase "Elementary my dear Watson", mais dès 1901, dans une parodie "Chylock Combs et Potson, on a "Elementary my dear Potson".... Non, ce n'est pas Agatha.....
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Y
Il doit y avoir une erreur d’interprétation, car « The Time Dispatch » écrivait ceci le 24 août 1909 : “Or as that statement was commented in an American news item: “‘Elementary, my dear Watson,’ as Sherlock Holmes was wont to say. ‘Elementary.’”. Autrement, dans cette citation, on AFFIRME que Sherlock l’avait dit... ce qui ne s’est jamais produit !