En art, la science ne sert à rien
Les progrès scientifiques nous ont incontestablement rendu la vie plus agréable – sauf peut-être dans le domaine de l’alimentation, car nous nous nourrissons de plus en plus mal –, puisque nous vivons plus longtemps, que nos logements sont plus confortables et nos véhicules plus rapides et plus sûrs, que la plupart des travaux manuels sont moins pénibles qu’autrefois, que nous guérissons de maladies qui jadis ne nous auraient laissé aucune chance, et que nous pouvons traiter la douleur jusqu’à la supprimer dans certains cas : songez à ce qu’était autrefois le « traitement » d’une simple otite ou d’un simple mal de dents, à ce que pouvaient être une amputation ou l’opération de la cataracte ! Nul ne peut regretter le « bon vieux temps »...
Néanmoins, dans le domaine de l’art, le progrès scientifique n’a servi absolument à rien. Personne, aujourd’hui, ne peint mieux que Léonard de Vinci, Rembrandt ou Renoir ; personne ne compose mieux que Chopin, Beethoven, Mozart ou Bach ; nul n’a jamais sculpté mieux que Phidias, Michel-Ange ou Praxitèle ; et je vous épargne mes considérations sur l’art d’écrire, alors que les prix littéraires de ce jour viennent de récompenser Michel Houellebecq et Virginie Despentes !
Mais le cinéma, me direz-vous ? S’il existe un art qui dépend en effet des progrès techniques, c’est bien celui-là ! Objection, Votre Honneur ! Tous les progrès de la technique cinématographique se sont accompagnés d’une régression artistique. Aucun historien du cinéma ne peut nier ce fait. Cela ne dure pas, mais la période qui suit une invention technique dans le domaine du cinéma se caractérise invariablement par l’apparition d’une flopée de navets, qui dure en général trois ou quatre ans, et à laquelle on n’échappe pas. Voyez, en ce moment, la nouvelle mode des films en « 3D », expression un peu niaise pour qualifier les tentatives (à mon avis plutôt piteuses) de films en relief : jamais le cinéma, du moins dans les pays où l’on peut se payer ce coûteux gadget, n’a été aussi médiocre. Le phénomène s’explique très bien : les grosses maisons de production misent tout sur le nouveau procédé, et délaissent le reste, avant que le public, lassé, déserte les salles parce qu’il a enfin compris qu’on lui refilait de la camelote.