Floutez les menottes de luxe !
Quelle chance est la vôtre, lecteur privilégié, de fréquenter un bloc-notes (c’est fini, je ne dis plus « blog », inutile d’insister) qui publie une information que vous ne trouverez nulle part ailleurs ! (Et notez que je ne vous tutoie pas, comme c’est l’usage partout ailleurs. Même sur le blog... pardon, sur le bloc-notes d’Alain Juppé – mes respects, monsieur le ministre). Bref, hier soir, un détail m’a frappé, qui a échappé à tout le monde.
Le journal de 18 heures 45 de Canal Plus a consacré en effet un court reportage à la grève des dockers du port de Marseille. Le préfet y avait envoyé les CRS, qui avaient arrêté et embarqué quelques grévistes, sous l’œil des caméras. Huit cents CRS pour une centaine de grévistes, selon un syndicaliste au verbe haut qui a tenu à faire connaître son vif désaccord. Je ne ferai aucune remarque sur le fond, car je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on mette hors d’état de nuire des individus dangereux (je parle des grévistes, là). Non, ce qui m’a frappé, c’est que les images étaient partiellement floutées. Or, habituellement, on floute, soit les visages des participants, pour préserver leur vie privée, soit les enseignes de magasins ou les marques commerciales, pour ne pas leur faire de publicité clandestine. Mais en l’occurrence, le détail qui était flouté, c’était... les menottes qu’on avait passées aux poignets des grévistes arrêtés.
Je me suis longuement interrogé sur la raison qui avait présidé à ce choix inhabituel. Rapidement, j’ai repoussé d’un pied méprisant l’hypothèse selon laquelle le technicien de la télévision responsable du floutage avait fumé ou reniflé quelque substance illicite : à Canal Plus, c’est tout à fait invraisemblable ; y débusquer un technicien drogué, c’est aussi improbable que de dénicher un technicien alcoolique à Radio-France. Quant à protéger la vie privée d’une paire de menottes, on laissera ces élucubrations au cinéma d’avant-garde. Il m’a donc fallu en arriver à l’inévitable conclusion : on a voulu éviter de faire de la publicité pour une marque de menottes !
Et depuis, je me demande de quelle marque il s’agit : Cartier ? Van Cleef et Arpels ? Chaumet ? Dolce et Gabbana ?
Quoi qu’il en soit, ils en ont de la veine, ces grévistes ! Quand on pense que des malveillants prétendent que la Justice française n’a pas d’argent ! À moins qu’elle ait épuisé tous ses crédits dans l’achat de menottes de luxe.