Frédéric Mitterrand, victime du vocabulaire
Au fond, Frédéric Mitterrand, qui n’est certes pas l’homme le plus adroit de France, est surtout victime d’un appauvrissement du vocabulaire. Il y a un quart de siècle, on connaissait les trois mots homosexuel, pédéraste et pédophile. Aujourd’hui, on n’en connaît plus que deux.
Un homosexuel, homme ou femme, est une personne qui préfère les gens de son sexe, homme ou femme. Cet état n’est condamné par la loi que dans les pays arriérés. Entre les homosexuels pratiquants et les abstinents, entre les occasionnels et les réguliers, entre ceux qui s’exposent et ceux qui se cachent, cela doit bien concerner le quart, voire le tiers de la population mondiale.
Un pédéraste, homme ou femme, c’est quelqu’un qui aime les jeunes gens, garçons ou filles, entre la puberté et l’âge adulte. Cet âge se confond souvent avec celui de la majorité sexuelle – notion variable selon les pays, et parfois non définie –, de sorte qu’il est parfaitement légal d’avoir des relations avec quelqu’un de cet âge. Il y a un quart de siècle, ce mot, pédéraste, était très répandu, et l’écrivain Roger Peyrefitte, qui se définissait comme tel, l’employait constamment. À ceux qui lui reprochaient de tout ramener à cela, il répondait « Je ramène tout à l’amour, et pour moi il est grec ». Citation strictement exacte, précisons-le.
Enfin, un pédophile, homme ou femme, est sexuellement attiré par les enfants, garçons ou filles, avant la puberté. Presque universellement, cette préférence est illégale et réprimée.
Il se trouve que le terme pédéraste a une consonance désagréable, en dépit de sa signification anodine. Il s’ensuit que le mot est tombé aux oubliettes, qu’on ne l’entend plus jamais, et que la majorité des jeunes d’aujourd’hui en ignorent l’existence. Conséquence : tout le monde en est venu à confondre pédéraste et pédophile, et c’est loin d’être anodin, car ils ne manquent pas, ceux qui connaissent les deux mots et « oublient » volontairement le premier pour mieux salir ceux qu’ils veulent faire tomber. C’est évidemment le cas de Marine Le Pen, assez âgée et assez cultivée pour ne pas faire la confusion. Elle a donc parlé de la pédophilie de Mitterrand – qui est loin d’être prouvée, et qu’il nie farouchement.
Cultivé, Frédéric Mitterrand connaît aussi la distinction, mais il a voulu jouer de l’ignorance des autres en prétendant qu’on ne pouvait lui opposer que son homosexualité. Il a poussé l’inconscience jusqu’à prétendre qu’en Thaïlande, il n’avait eu de relations qu’avec des garçons « de son âge », ou, au pire, ayant cinq ans de moins que lui, ce qui est stupide et mensonger : on ne va pas à Bangkok pour coucher avec des gens de son âge – sinon, autant rester à Paris –, et tous les prostitués mâles (voir plus loin) ont autour de vingt ans.
D’ailleurs, la description qu’en fait Mitterrand dans son livre, que j’ai lu, les décrit bien, âgés en effet d’une vingtaine d’années : « La plupart d’entre eux sont jeunes, beaux, apparemment épargnés par la dévastation qu’on pourrait attendre de leur activité. J’apprendrai plus tard qu’ils ne viennent pas tous les soirs, ont une petite amie, sont souvent étudiants et vivent parfois même avec leur famille qui prétend ignorer l’origine de leur gagne-pain ».