Hériter
Deux ou trois fois, peut-être davantage, j’ai mis mon grain de sel sur la question, très débattue en ce moment, du droit d’auteur, que pas mal de gens commencent à trouver abusif. Non pas qu’il soit anormal, pour un auteur, de gagner de l’argent quand il crée quelque chose. Non, là où le bât blesse, c’est dans le fait que les héritiers de l’auteur se goinfrent pendant les soixante-dix ans qui suivent sa mort, et sans s’être donné d’autre mal que celui de naître.
C’est ainsi que je m’en suis pris à deux héritiers ultra-célèbres – du moins par leurs ascendants : Mathew Prichard et Patricia O’Connell.
Le premier est l’unique descendant de sa grand-mère, Agatha Christie. Il a donc hérité de toute sa fortune, et, dans la foulée, puisqu’il hérite aussi de ses droits d’auteur, il a interdit qu’on traduise dans une autre langue et qu’on joue ailleurs que dans le seul théâtre londonien où elle est représentée depuis... 1952 (où elle triomphe bizarrement, car elle n’est pas très bonne) sa pièce The mousetrap, dont elle lui avait fait cadeau pour son neuvième anniversaire. Notez que je me suis assis sur cette interdiction, et que j’ai bel et bien traduit la pièce, que vous pouvez lire en cherchant un peu (tapez son titre dans la boîte de recherche en haut et à droite de cette page, et suivez le guide).
La seconde est l’unique fille d’Alfred Hitchcock. Elle a donc hérité des droits de son père (mort le 29 avril 1980) sur la totalité de ses films, et en a profité, elle aussi, pour vendre à ces marchands de soupe que sont les éditeurs de DVD et de Bluray tous ses films, sur lesquels ils se sont évidemment jetés, puisque Sir Alfred est considéré à juste titre comme le plus grand réalisateur de l’histoire du cinéma – et ce n’est pas moi qui le dit, c’est Orson Welles. En foi de quoi, et comme la totalité des films d’Hitchcock, sauf cinq, ont été tournés dans le format 4/3, celui de la télévision d’antan, et que cela ne satisfaisait pas les possesseurs d’écrans plats 16/9, ils ont gaillardement retaillé le format des images en coupant le haut et le bas. Si vous croisez le chemin de Psychose, par exemple, vérifiez ! J’ai en cassette VHS la version d’origine, la mutilation est flagrante, et ce n’est pas la seule.
Pour ma part, je serais favorable à la suppression totale de la transmission aux héritiers de ces droits d’auteur, qui profitent principalement aux vautours et aux incapables. Du reste, il n’y a pas que les questions d’argent : lorsqu’un héritier reçoit à la mort de son paternel la possession d’une grosse entreprise et qu’il se révèle être un nullard, c’est le sort des employés qui y travaillent qui se trouve compromis. Ne vous creusez pas la cervelle pour dénicher des exemples, Arnaud Lagardère et les héritiers Peugeot vous les fournissent sur un plateau.