Justice en libre service
La SACEM, c’est la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, elle se dit « à but non lucratif », mais n’oublie jamais de se servir au passage sur les droits qu’elle perçoit au profit des... quoi ? Des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et tâchez de suivre car je ne recommencerai pas.
La SACEM s’est donc érigée en défenseur du droit d’auteur, c’est-à-dire qu’elle fait la chasse aux méchants qui violent ce droit. On en déduit que, si elle va en justice pour châtier un de ces salauds, elle se trouve sur le banc de la partie civile – pas dans le fauteuil du président du tribunal !
Seulement voilà, il y a un os : la SACEM participe à la formation des futurs juges à l’École Nationale de la Magistrature, école installée à Bordeaux. C’est tout à fait croquignolet. Surtout quand on apprend que « comme par hasard », certains des juges qui ont été formés avec l’aide de la SACEM ont ensuite rendu un jugement favorable à cette société, lors d’un procès qu’elle faisait à un auteur qui s’était plaint de sa gestion estimée un peu trop pittoresque.
Mais non, on refuse de le croire. Imaginez un instant qu’en Sicile, la mafia forme les policiers et les juges chargés de poursuivre ses propres membres ; qu’au Vatican, le pape ouvre une école de libres penseurs (quoique, connaissant le dernier élu, il en est bien capable) ; que Bernard Tapie enseigne à l’université la déontologie des affaires ; que Sarkozy devienne professeur de lettres et entre à l’Académie française ; ou que Roman Polanski ait été nommé premier juré dans une cour d’assises chargé de juger feu Émile Louis dans une affaire de viol de mineure.