Justige : stratégie fixe
Les Français font peu de films de procès, mais Hollywood se passionne pour ce genre et en réalise beaucoup, souvent intéressants, parce que ces films désignent les tares de la justice des États-Unis. Ainsi, j’ai vu hier soir à la télévision Primal fear (en français, Peur primale), dû à Gregory Hoblit, avec Richard Gere et surtout Edward Norton, qui, en 1996, y faisait ses débuts de grand acteur, à dix-sept ans.
Film complexe, avec un retournement de situation final très peu inattendu quand on connaît les procédés des scénaristes, mais dont je ne garde ici que ce qui m’intéresse : un avocat réputé décide de défendre gratuitement un garçon, Aaron, qui chantait dans une chorale religieuse, et qui a massacré et mutilé l’archevêque, patron de ladite chorale. Il a d’emblée la conviction que son client est innocent, de sorte qu’il axe sa défense sur le soupçon que le véritable coupable était quelqu’un d’autre, et qu’Aaron, qui se plaint de pertes de mémoire occasionnelles, a oublié tous les détails du meurtre, auquel il a pourtant assisté, puisqu’il a été retrouvé couvert du sang de la victime. Donc il plaide non coupable.
Or, au cours de l’instruction, et sur le témoignage de la psychiatre qu’il a chargée d’examiner Aaron, il acquiert la conviction que le garçon, timide et gentil, est schizophrène, et a très bien pu tuer l’archevêque sous la personnalité opposée de son double, Roy, foncièrement mauvais – un peu comme Norman Bates dans Psychose, quand il se prenait pour sa propre mère. L’avocat tente alors de plaider cette thèse, mais le juge (une femme noire, comme dans la plupart des films hollywoodiens, en vertu du politiquement correct qui sévit là-bas) lui rappelle qu’il n’a pas le droit de changer d’axe de défense en cours de procès, lui colle une amende de dix mille dollars, et l’avertit que, s’il récidive, elle le fera radier du barreau !
Ce juridisme extrême est par conséquent une raison supplémentaire de ne pas adopter, comme le voulait Sarkozy, les lois états-uniennes, qui feraient de nous une nation de sauvages.