L’arithmétique ment moins que la police

Publié le par Yves-André Samère

Il y a huit jours défilait à Paris la Gaypride annuelle. Comme pour toute manifestation, les participants ont été dénombrés, à la fois par les organisateurs et par la police. Et nous n’avons pas été déçus ! Ces honorables compteurs nous en ont conté de belles.

En effet, la foule qui s’amassait tout au long du cortège, manifestants et public, comprenait huit cent mille personnes selon les organisateurs, et... quarante mille selon la police !

Mais pourquoi s’étonner ? Il en a toujours été de même. Si une manifestation est opposée au gouvernement, la police minimise autant qu’elle peut ; en revanche, elle exagère le résultat dans le cas contraire – ce qui est très rare, on voit peu de manifestations publiques en faveur de Sarkozy, en ce moment.

Il a pourtant existé un exemple de manifestation en faveur du gouvernement, et tout le monde en a eu connaissance. Il s’agissait de celle, organisée par le parti gaulliste de l’époque, l’UNR, le 30 mai 1968. La veille, De Gaulle, président de la République, débordé par les manifestations qui lui étaient hostiles, s’était carapaté à Baden-Baden, où végétait le général Massu, qu’il avait limogé en janvier 1960, et qui commandait alors les troupes françaises d’occupation dans cette ville. De Gaulle voulait vérifier si Massu consentirait à faire intervenir ses troupes, en France, au cas où le besoin s’en ferait sentir – ce qui ne s’est pas produit. Massu, finaud, fit un peu de chantage, et il exigea en contrepartie la libération du général Raoul Salan, ancien chef de l’O.A.S, encore en prison à Tulle depuis 1962. De Gaulle promit tout ce qu’on voulut et rentra à Paris, regonflé, pour... y dissoudre l’Assemblée nationale ! Et ordonner la libération de l’homme dont il avait tant désiré la condamnation à mort que, de dépit, il avait dissous le Haut Tribunal Militaire qui ne lui avait pas donné satisfaction !

Le lendemain, 30 mai, eut donc lieu cette fameuse manifestation. Ce fut un triomphe... du mensonge policier. La police y dénombra en effet un million de personnes favorables à De Gaulle. Un million. Bien. Maintenant, un peu d’arithmétique.

Dans une foule compacte, on peut estimer raisonnable que quatre personnes puissent s’entasser sur un mètre carré. Mais si ces personnes marchent pour manifester, c’est impossible : il faut à chacune au moins un mètre dans le sens de la marche, et 75 centimètres dans le sens de la largeur. Autrement dit, chaque manifestant en marche occupe trois quarts d’un mètre carré. D’autre part, l’évènement s’est produit sur les Champs-Élysées, entre la place de l’Étoile et celle de la Concorde. Distance entre l’Arc-de-Triomphe et la grille des Tuileries, donc en incluant la Place de la Concorde : 2200 mètres. D’autre part, les marcheurs, visibles sur les vidéos prises ce jour-là, et beaucoup plus clairsemés que dans le calcul ci-dessus, n’empruntaient que la chaussée des Champs-Élysées, pas les trottoirs (d’ailleurs encombrés par les arbres, les kiosques à journaux, et interrompus par les multiples intersections de rues). Si la largeur des Champs-Élysées est de 70 mètres entre les façades des immeubles qui les bordent, elle n’est que de 26 mètres sur la chaussée. On peut ainsi calculer la surface « utile » couverte par les marcheurs : 57 200 mètres carrés. Et le nombre de personnes qui pouvaient y tenir : 76 267 !

Accordons généreusement que, sur les trottoirs et sur la Place de la Concorde, pouvaient se tenir encore le quart de cette foule, et nous arrivons à un total probable de 95 334 personnes.

Voilà pour le million de présents à la plus grande manifestation française en faveur du Pouvoir.

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