La fin des paradis fiscaux ?
Si un gouvernement tient vraiment à lutter contre les paradis fiscaux, la première mesure qu’il peut prendre, c’est celle-ci : décréter, comme il en a le droit, l’inexistence juridique des sociétés enregistrées dans ces paradis fiscaux. De ce fait, elles n’ont plus la possibilité légale de faire quoi que ce soit dans le pays qui a pris la décision.
Or ces gouvernements ne le font pas. Pourquoi ? Parce que cela obligerait à se brouiller avec ses propres alliés ! Il y a d’abord l’Angleterre : la City de Londres collabore aux enquêtes fiscales en traînant les pieds, c’est le moins qu’on puisse dire. Et on sait très bien que les Îles Anglo-Normandes, Jersey, Guernesey et l’Île de Sercq, sont des paradis fiscaux à quelques dizaines de kilomètres de chez nous (en fait, plus proches de la France que de l’Angleterre). Mais allez donc dire ça au Premier ministre anglais !
Aux États-Unis, ce n’est pas mieux : l’État du Delaware, qui possède ses propres lois, permet de préserver l’anonymat de l’ayant droit d’une société qui veut se mettre à l’abri du fisc. Et donc, littéralement, on ignore sur qui exercer des pressions ou même faire une enquête ! Certes, les États-Unis s’efforcent de briser l’omertà, mais le gouvernement fédéral de Washington ne peut pas changer les lois d’un État, et le Delaware passe outre impunément. Le président des États-Unis, qui ne peut même pas faire passer une loi réglementant la vente des armes ni supprimer le bagne de Guantanamo, n’a aucun pouvoir en ce sens – moins que le pape, le roi du Maroc ou les présidents syrien et français.
C’est pire que la Suisse, pays dans lequel on doit révéler l’identité de la personne physique ayant ouvert un compte, si la justice le demande. Le Luxembourg et Singapour ont aussi progressé, mais il reste assez de pain sur la planche pour ridiculiser l’affirmation passée de Sarkozy, selon laquelle les paradis fiscaux n’existaient plus. Le bout du tunnel est encore loin.