Le Jeu de Marienbad
Hier soir a été diffusé sur Arte L’année dernière à Marienbad, film d’Alain Resnais sur lequel j’ai rédigé ici quelques mots aimables exprimant la chaude considération en laquelle je tiens ce navet hyper-coté par le snobisme.
Il se trouve que ce film, qui a fait fuir davantage de spectateurs que jadis, de réacs, l’élection de Mitterrand (ils voyaient déjà les chars soviétiques déboulant sur les Champs-Élysées), a surtout retenu l’attention des curieux, car on y voyait Sacha Pitoeff enseignant un jeu, dans un hôtel, aux autres clients désœuvrés. Ce jeu fut à la mode quelque temps sous le nom de « Jeu de Marienbad », et la quête d’une méthode permettant de gagner occupa pendant des mois un certain nombre d’oisifs, dont une poignée de mathématiciens, qui y trouvèrent une occasion de se ridiculiser en cherchant midi à quatorze heures – vous verrez plus loin pourquoi j’écris cela.
Ce jeu utilise des objets quelconques posés sur une table : cartes, jetons, allumettes, tout ce qui vous plaira. Ce qui compte, c’est qu’ils doivent former quatre rangées comptant respectivement sept, cinq, trois et un objet. À tour de rôle, chacun des deux joueurs peut ôter, mais dans une seule rangée, le nombre d’objets qu’il veut. Celui qui est obligé de prendre le dernier objet a perdu.
Je crois savoir qu’un des zozos chercheurs visés plus haut dans cet article avait basé sa « méthode » sur le système binaire, mais je ne me suis pas donné la peine de chercher sur Internet l’exposé de sa solution, car quelques dizaines de minutes m’ont permis de recenser les dix-sept positions perdantes qu’il importe de laisser à son adversaire pour le battre. Et comme j’adore vendre la mèche (par exemple, en racontant la fin des films, innocente occupation qui m’a diverti durant une vingtaine de mois), ces dix-sept positions, les voici, que vous pourrez expérimenter :
- sur deux rangées : 2 - 2 ; 3 - 3 ; 4 - 4 ; 5 - 5
- sur trois rangées : 1 - 1 - 1 ; 1 - 2 - 3 ; 1 - 4 - 5 ; 2 - 4 - 6 ; 2 - 5 - 7 ; 3 - 5 - 6
- sur quatre rangées : 1 - 1 - 2 - 2 ; 1 - 1 - 3 - 3 ; 1 - 1 - 4 - 4 ; 1 - 1 - 5 - 5 ; 1 - 2 - 4 - 7 ; 1 - 2 - 5- 6 ; 1 - 3 - 4 - 6
Règle : ne jamais commencer en enlevant un seul objet, où que ce soit. Car si les deux adversaires sont de force égale, c’est-à-dire connaissent tout ce qui précède, celui qui commence perd obligatoirement !
Voilà ! Maintenant, défiez vos amis.