Le tourisme, une honte ?

Publié le par Yves-André Samère

Naguère, à Casablanca, un de mes jeunes amis, lycéen marocain, me confia qu’il devait remettre le lendemain à son professeur une dissertation sur le tourisme, et qu’il n’avait pas le début d’une idée. C’était une sorte d’appel au secours dissimulant (mal) le désir de me voir faire son travail à sa place. Je ne me fis pas prier, et rédigeai en quelques minutes le pensum attendu, sur une table du Centre culturel français où nous nous trouvions alors.

Quand il lut le résultat, il fut stupéfait : à cette date et encore à présent – l’histoire n’est pas si ancienne –, on considérait partout dans le pays que le tourisme était une bénédiction, et le gouvernement faisait tout pour séduire les étrangers (cela n’a pas changé). Or j’avais écrit une virulente condamnation du tourisme, et noté noir sur blanc qu’il faisait, des populations pauvres, une véritable nation de larbins. Ce que je professe toujours : quand vous êtes jeune, que votre instruction, faute d’argent, n’a pas été ce qu’elle aurait dû être, et que vous êtes réduit à devenir garçon d’ascenseur, serveur ou valet de chambre, fatalement, vos ressources dépendent du pourboire que vous consentiront les touristes aisés.

Certes, quelques pays anciennement pauvres se sont tirés d’affaire sans trop avoir recours à cet expédient. L’Inde, par exemple, a misé sur l’intelligence de ses nationaux, et les Indiens sont des as en informatique. Mais rien de tel au Maghreb, ainsi que dans toute l’Afrique.

Ce point de vue contredisait celui de monsieur Tout-le-monde, qui considère que voyager et, comme le clament les hypocrites, « connaître des gens », est une sorte de devoir humain. Il était de toute façon plus modéré (le point de vue, pas le devoir humain) que celui de Philippe Muray, sorte d’imprécateur réac mais assez marrant, qui étale le sien dans un livre d’interviews, Festivus festivus, bouquin qui est une charge contre l’esprit festif, mis à la mode par les penseurs modernes et de gauche – pardon pour le pléonasme. Muray, dont la modération n’était pas le trait dominant (il est mort, précisons-le), écrit, à propos du tourisme « normal », que c’est un « des plus puissants méfaits de notre temps », et continue ainsi : « Les industriels de cette dévastation, pour ne jamais être traités comme les criminels de paix qu’ils sont, ont inventé de monter en épingle une bête noire-écran qui permet de dévier très loin d’eux toute critique : le touriste sexuel, sorte de Schtroumpf noir infiltré méchamment dans la schtroumpferie radieuse du tourisme “normal”, lui-même par définition innocent, “éthique” et “respectueux de l’autre” ». Bref, « ce n’est pas d’abord le touriste sexuel qui emprunte [...] “les routes de la honte”, mais n’importe quel touriste qui tranforme en honte irréparable les pays où il passe ». Passons sur la forme de ce pamphlet et sur ces pays transformés en honte, l’indignation, réelle ou feinte, fait dire des bêtises, et je ne tire pas sur les corbillards...

Naturellement, je ne cautionne pas totalement ces élucubrations, mais tout cela n’est pas entièrenent faux.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
<br /> Oui, on le réédite. J’ai acheté son « Festivus festivus », et aussi la réédition en un seul volume (à l’origine, c’était en deux tomes) de son « Après l’histoire ». Le plus<br /> marrant, c’est que cet auteur ultra-réac m’avait été conseillé il y a des années par Didier Porte !<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Marrant, entendu parler de Muray (dont on a réédité les articles, si je ne m'abuse) ce matin dans l'émission de Philippe MEYER sur France Culture.<br /> <br /> <br />
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