Les Oscars du Mouchardage français
Une belle institution, même si elle n’a rien d’officiel, celle des Big Brother Awards France, terme que vous pourriez traduire par « Oscars du Mouchardage français ». Cette organisation distingue (on n’ose pas écrire « récompense ») les personnalités qui se sont le mieux illustrées dans la lutte contre la liberté, via la délation.
L’année dernière, chez nous, avaient été pointés Xavier Darcos, alors ministre de l’Éducation nationale, pour s’être obstiné à « vouloir ficher tous les enfants en âge de scolarité à travers Base Élèves et BNIE, [avoir] refusé tout débat national, incité à la destitution des directeurs réfractaires et encouragé à réprimer tout acte de désobéissance dans l’éducation », ainsi que MAM, « pour son goût immodéré des fichiers de police (plus 70 % en trois ans, dont Ardoise, Edvige, Cristina ou encore Gesterex), mais aussi pour sa novlangue avec sa promotion de la vidéosurveillance, ses invitations à la délation et son talent à fabriquer un “ennemi intérieur” », allusion évidente à Julien Coupat, véritable épicier mais pseudo-terroriste, flanqué en prison sans aucune preuve pour un retard imposé au TGV). Sans oublier le ministère de la Culture, Frédéric Lefebvre et Rachida Dati (« pour sa circulaire aux parquets assimilant une certaine forme de contestation à du terrorisme. Et pour ne pas avoir veillé à ce que les parquets actualisent le STIC »).
Cette année, les personnalités et organisations qui « se sont illustrés par leur mépris de la vie privée et des libertés » nous vaut la belle promotion de... Thierry Lhermitte, acteur. Il a en effet acquis « une quantité très significative des parts sociales » de la société Trident Media Guard, laquelle faisait déjà, en 2007, un milliard d’euros de chiffre d’affaires en fournissant les moyens de fliquer les ordinateurs de tout un chacun, pour se mettre au service d’Hadopi – une belle cause nationale. Cette société a ainsi vendu à Thierry Lhermitte 50 % de son capital, pour la modique somme de 50 000 euros seulement, en juin 2009. Un vrai cadeau !
Dans le cortège suivent Frédéric Mitterrand, Christine Albanel et Frank Riester, candidats conjoints à un prix « Orwell États & Élus », pour avoir « ardemment défendu la loi Création et Internet qui, sous couvert de défendre les droits d’auteur, veut obliger tous les internautes à installer un mouchard (payant) sur leurs ordinateurs [...] en leur expliquant qu’ainsi, il leur sera plus facile d’apporter les preuves de leur innocence »... ce qui est une conception résolument novatrice du droit français, lequel, jusqu’ici, prévoyait que l’accusation devait prouver la culpabilité des gens, et que ce n’était pas à eux de prouver leur innocence. Ce qu’on appelle en effet «la présomption d’innocence », que le Parlement n’a pas encore abolie, mais patience...
Enfin, mention spéciale à l’ancien président de la CNIL, Alex Türk, parce que, « depuis dix ans, on ne peut que constater que [la CNIL] a perdu l’essentiel de ses pouvoirs, en particulier celui qui lui permettait de contrôler a priori les fichiers d’état et les fichiers de sécurité », et que la responsabilité de son président depuis plus de six ans ne peut être minorée.