Lettre prohibée
Nul ne l’ignore, le droit des marques est sacré, dans nos sociétés modernes. Pour être protégé contre le plagiat, il suffit de « déposer » n’importe quoi, ne serait-ce qu’un mot, et vous voilà devenu propriétaire de l’objet, de sorte que quiconque l’utiliserait sans votre autorisation s’exposerait à des poursuites. Et il n’a pas pu vous échapper que la célèbre Nabilla, dont le « Allô quoi ! » a été repris partout après son apparition à la télévision, a déposé cette expression, et qu’ainsi, vous n’êtes plus autorisé à le proférer si vous ne rétribuez pas convenablement l’auteur de ces paroles immortelles.
(Décidément, l’Institut National de la Propriété Intellectuelle, organisme français, a moins de bon sens que Wikipedia, qui a éjecté l’article sur la donzelle qu’un farceur avait mis en ligne sur ce site, pour manque flagrant d’intérêt. J’ai très bien connu un type qui se prenait pour un acteur alors qu’il n’avait été que figurant dans un seul film, et qui avait fait fabriquer une page à son nom : elle a rapidement disparu)
Il y a d’autres exemples aussi bêtes, mais une firme états-unienne a réussi à faire mieux, puisqu’elle revendique à présent la propriété, non d’un mot, mais d’une lettre de l’alphabet latin, le V. Cette firme se nomme Topps, et elle fabrique des cartes à jouer, activité évidemment d’utilité publique. Il semble que tout vienne d’un différend qui l’opposerait à la firme Panini. On voit comme tout cela se débat dans les plus hautes sphères.
Mais ce n’est pas la première fois, puisque le fabricant des voitures Audi cherche actuellement à s’approprier la lettre Q, et Apple, la voyelle « i ». Supposons un instant que vingt-six firmes réussissent à devenir propriétaires de, chacune, une lettre de l’alphabet. Pour nous exprimer par écrit, il ne nous restera donc RIEN. Même pas les quatre lettres que je viens d’employer pour nommer notre héritage scriptural.