Malala au tapis
D’avance, j’étais à peu près certain que la jeune Pakistanaise, la célèbre Malala, qu’on disait favorite pour le Prix Nobel de la Paix, se prendrait une gamelle au profit de quelqu’un ou de quelque organisme pas connu du tout.
Non pas que je sois hostile à sa lutte, à supposer qu’elle soit entièrement sincère (quoique ses déclarations en faveur de Benazir Bhutto, imposteur féminin, n’ont un peu tapé sur les nerfs) et surtout, pas téléguidée par des adultes : ce dont je doute un peu, toute l’opération ne respirait pas vraiment la spontanéité, ressemblait un peu trop à une campagne de pub pour lancer un livre, et ça commençait à devenir plus qu’agaçant. Mais quand on connaît ces pays où les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école, ou ceux dont le chef d’État tolère qu’on flanque en prison trois petits jeunes (quatorze et quinze ans), parce que l’un d’eux a photographié les deux autres qui s’embrassaient dans la rue, on ne peut pas râler contre ceux qui bousculent un peu les traditions.
Mais enfin, ce boycott de la part du jury équivaut à une baffe en direction des publicitaires, car ce genre d’opération, on en a deux par mois, au minimum... Quand donc ces vautours comprendront-ils qu’à en faire trop, on dégoûte ceux qu’ils appellent si élégamment « la cible », c’est-à-dire tout le monde ? Contrairement à ce que disait Cyrano à la bataille d’Arras, nous abdiquerions volontiers « l’honneur d’être une cible ». Voyez, depuis des mois, le battage autour du film de Kechiche : même les déclarations hostiles de sa vedette au lendemain de leurs embrassades sur la scène du palais des festivals à Cannes ressemblaient trop à un coup de pub supplémentaire.