Pas un mot plus haut que l’autre
Dans mon enfance, on ne plaisantait pas avec le vocabulaire : les gros mots étaient interdits aux enfants. Je dis bien « Aux enfants ». Les adultes, eux, ne s’en privaient pas. Si bien qu’ayant pris le pli d’appliquer la consigne à la lettre, je disais beaucoup moins de grossièretés… que mes parents !
Non, je ne suis pas en train de raconter ma vie. Je tente simplement d’illustrer une caractéristique de ma façon d’écrire, et si vous êtes là, à me lire, cela doit bien vous intéresser aussi. Un peu.
Je prétends en effet qu’on peut dire (ou écrire, ou exprimer en général) les pires horreurs, sans un mot plus haut que l’autre. Au cinéma, les Asiatiques font cela très bien. Mais ils ne sont pas les seuls, nous avons aussi en France des auteurs assez doués sur ce plan-là. Voyez par exemple Sacha Guitry. Dans son film La poison figure une scène où Louis de Funès entre dans une pharmacie pour obtenir un remède contre, euh… contre ce petit inconvénient qui consiste en l’inverse de la constipation. Pauline Carton est là, venue bavarder avec le pharmacien. Comment exprimer l’état de santé de Louis de Funès sans tomber dans la trivialité ? C’est simple : Pauline Carton lui demande « Comment va ? », Louis de Funès fait un geste vague, et elle enchaîne par un « Trop ! ». C’est tout, et trois mots ont suffi.
Dire que Guitry n’a jamais été admis à l’Académie française ! On a préféré l’envoyer en prison, à la Libération.