Progresser à reculons
Jusqu’ici, les affreux pirates qui téléchargeaient sur Internet des musiques ou des films risquaient les foudres de l’Hadopi, laquelle pouvait faire suspendre leur connexion. Or le ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, vient d’annoncer que cette sanction sera supprimée par un décret qu’elle prendra dans le courant de juin. Et, dans la foulée, que l’Hadopi sera purement et simplement supprimée aussi, histoire de ne pas faire les choses à moitié. Fort bien. Et rappelons qu’aucun tribunal français n’a jamais prononcé le moindre suspension de la connexion à Internet !
Reste que je suis hostile aux idées de Pierre Lescure, qui, dans son rapport remis à Hollande il y a quelques jours, propose de transférer au CSA les pouvoirs de l’Hadopi. À la place, si l’on peut dire, le CSA, donc on connaît la bêtise extrême, pourra vous infliger des amendes, à partir de 60 euros, mais qui pourraient, en cas de récidive, monter jusqu’à 1500 euros.
Le hic, c’est que, dans ce processus, il n’y a plus de tribunal ! Devant un tribunal, vous pouvez vous défendre, et c’est à la partie adverse de prouver que vous êtes coupable, ce qui est quasiment impossible dans une telle situation (votre ordinateur a pu être utilisé par un tiers, c’est même ce qui est arrivé lors de la seule affaire ayant donné lieu à une condamnation : l’épouse du condamné avait utilisé l’ordinateur de son mari, à son insu). Devant le CSA, il n’y a aucun recours, ce n’est pas un tribunal mais une autorité administrative, qui vous condamne sans vous entendre. Pas non plus de possibilité d’appel ou de cassation.
Un beau progrès démocratique. Et il aura fallu que ce soit un gouvernement socialiste qui prenne cette initiative. Ils veulent nous faire regretter Sarkozy ?