Punir un « délit » qui n’existe pas

Publié le par Yves-André Samère

Il est formidable, Frédo, comme ministre de la Culture. Voilà-t-il pas qu’il veut prendre un décret sanctionnant le manquement à une obligation... que la loi n’a pas prévue ! Accrochez-vous.

On sait que son ministère souhaitait la collaboration des fournisseurs d’accès à Internet, pour qu’ils envoient aux méchants pirates – que l’ensemble des internautes condamne, bien entendu – des messages électroniques leur faisant savoir qu’on les a pris la main dans le sac. Naturellement, pour ce service, lesdits fournisseurs d’accès ont demandé à être payés, puisque cela leur donne du boulot supplémentaire. Normal.

Mais le ministère a joué les Harpagons. Les F.A.I. (fournisseurs d’accès à Internet) demandaient 8 euros par message envoyé, et les services de Frédo ont proposé... 65 centimes ! Si bien que Free, au contraire de ses petits camarades qui se sont déculottés, a refusé tout net la corvée. Et Frédo, vexé comme un pou, s’est fâché, et menace de cogner, comme un boxeur thaïlandais de quarante ans : « Le revirement de Free, qui a décidé lundi de ne pas transmettre, à ce stade, à ses abonnés les messages d’avertissement, en violation formelle de ses obligations légales, est inacceptable », a-t-il gémi. Et de prétendre que les nouvelles lois Hadopi, « qui ont posé le cadre indispensable au développement à long terme d’une offre légale abondante et de qualité, seront appliquées ». En clair, « un fournisseur d’accès qui ne se conforme pas à ses obligations légales devra donc en supporter les conséquences judiciaires et financières. Un décret précisera incessamment les sanctions prévues dans ce cadre ».

Frédo n’a pas peur de jouer avec la logique. En effet, les lois qu’il vise ne prévoient de sanctions contre un fournisseur d’accès à Internet que si celui-ci ne donne pas les noms de ses abonnés que le ministère veut avertir... Pas s’il refuse d’envoyer les messages aux contrevenants ! Et ces lois-là n’ont pas été modifiées.

Le fameux décret de Frédo devra être validé par le Conseil d’État après une première validation de la CNIL et de l’ARCEP. Un joli parcours d’obstacles. Qui mordra la poussière le premier ?

Tout cela, parce qu’on n’a pas eu l’idée de fournir à l’Hadopi ses propres serveurs pour envoyer les messages. Eh oui, il leur faudrait passer par un... fournisseur d’accès ! Ils sont fortiches, nos gouvernants.

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