Quand est née la pudibonderie ?

Publié le par Yves-André Samère

À cette question qui est sur toutes les lèvres, je suis en mesure de répondre : elle est née immédiatement après la création du premier couple par Dieu, donc trop tôt pour bénéficier de la largeur de vues du pape Jules II, qui permit à Michel-Ange de peindre, sur le plafond de la Chapelle Sixtine, les horreurs que vous savez (presque uniquement des nus masculins, puisque la seule femme montrée nue est Ève, et que toutes les autres, dont les cinq sybilles, sont vêtues).

Souvenez-vous, c’est dans l’Ancien testament, livre de la Genèse, au chapitre 3, verset 7, qu’Adam et Ève, ayant mangé du fruit défendu, « connurent qu’ils étaient nus ». Et, bien qu’aucun témoin n’ait pu les voir puisqu’ils étaient seuls, ils se firent des ceintures avec des feuilles de figuier !

Il faut croire qu’ils n’avaient pas de feuilles de vigne, et, en effet, c’est à propos de vigne que la manifestation suivante de pudibonderie apparut. Cela se passa après le Déluge, quand Noé, au chapitre 9, verset 20, planta de la vigne. Or, au verset suivant, « il but du vin, s’enivra, et se découvrit au milieu de la tente » – comprenez que, son vêtement ayant glissé, il se retrouva quasiment à poil, et inconscient, bon poivrot qu’il était !

Là-dessus entra dans la tente l’un de ses trois fils, Cham, qui « vit la nudité de son père » et s’en alla prévenir ses deux frères Sem et Japhet. Lesquels entrèrent dans la tente pour le rhabiller, mais à reculons pour ne pas se souiller la vue.

Que croyez-vous qu’il se passa ensuite, après ce formidable évènement ? Les deux frères caftèrent, et Noé « apprit ce que lui avait fait son fils cadet »... qui ne lui avait pourtant rien fait !

De sorte que, suivant cette logique de la cuite que je cite parfois, Noé maudit... Canaan,  le fils de Cham, qui n’avait joué aucun rôle dans cette sombre affaire et n’avait pas même risqué un escarpin sous la tente de son grand-père : « Maudit soit Canaan ! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères ! [...] Béni soit l’Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! » (versets 25 à 27).

On croirait entendre le capitaine Haddock après sa troisième bouteille de whisky : « Chenapans !... Ectoplasmes !... Marins d’eau douce !... Bachi-Bouzouks !... Zoulous !... Doryphores !... ».

Christopher Froome a raison, le champagne, c’est moins violent.

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