Quand le gouvernement s’oppose aux lois
Non seulement ce gouvernement est le plus antipathique et l’un des plus incapables depuis que la République existe, mais en plus, il est malhonnête. Voici deux exemples.
La loi Hadopi qu’il a fait voter impose aux fournisseurs d’accès à Internet de communiquer au service de répression les identités et coordonnées personnelles des internautes qui auraient (ce ne sera pas prouvé, puisqu’on peut pirater une ligne Internet) téléchargé illégalement des fichiers, faute de quoi lesdits fournisseurs d’accès écoperont d’une amende de 1500 euros par adresse non communiquée ! Ceux-ci (Bouygues Telecom, Free, Orange et Numericable) ont fait savoir au gouvernement que ce « service » va leur coûter de l’argent, et donc exigent d’être dédommagés, à raison de 8,50 euros par adresse communiquée – tarif approuvé le 22 août 2006 par un décret du ministère de la Justice, dans un tableau annexe du 1er septembre suivant. Le French Data Network, fournisseur associatif d’accès, dont j’ai parlé plusieurs fois ici, vient même de saisir le Conseil d’État pour demander en urgence la suspension du décret qui fixe cette obligation de mouchardage. Or, qu’a fait le gouvernement ? Il a répondu, par la voix d’un porte-parole du ministère de la Culture, qu’il n’y aurait « pas de remboursement prévu par l’État », contredisant ainsi le ministère de la Justice ! Ce gouvernement se retrouve ainsi dans la position d’un client qui se servirait dans un magasin et refuserait de passer à la caisse. Bel exemple... Par la même occasion, c’est cette fois le Conseil Constitutionnel qui est bafoué, puisque, dès le 28 décembre 2000, il avait jugé que « le concours apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunications » (traduction, les opérateurs de télécommunication ne sont pas un service de police), et donc que « les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs ». C’est très clair.
Autre exemple. Le gouvernement, on le sait, est à l’initiative de 95 % des lois votées par le Parlement, alors que cette initiative devrait revenir aux députés. Mais, non seulement il prend cette initiative de faire voter les lois qui lui plaisent, mais il s’ingénie aussi à ne pas appliquer celles qui lui déplaisent. Sans trop chercher, j’en ai déniché au moins deux (il y en a d’autres, à vous de fouiner) : l’une, « loi sur le littoral », votée à la quasi-unanimité en... janvier 1986, et destinée à empêcher l’excès d’urbanisation du bord de mer, et dont la non-application a été dénoncée par Georges Pernoud lui-même, le producteur de Thalassa sur France 3 – un homme qui sait de quoi il parle ; l’autre, dite « loi sur les repentis », votée en 2004, et destinée à protéger les personnes ayant participé à des activités criminelles et qui acceptent de coopérer avec la police ou la justice et peuvent obtenir, en échange de leur collaboration, différents avantages (abandon des poursuites, réduction ou exemption de peine), loi elle aussi non appliquée. On peut comprendre qu’un ministre néglige de promulguer les décrets d’application d’une loi si ses services sont débordés ou si le décret a été mis accidentellement au-dessous de la pile, mais persister à traîner les pieds après un rappel à l’ordre, c’est carrément s’asseoir sur le principe de la séparation des pouvoirs. Or le gouvernement et le président sont qualifiés de « pouvoir exécutif », c’est-à-dire qu’ils sont chargés d’exécuter les lois faites par les députés. Pas de les faire passer à la trappe !