Radio : supprimer, ou conserver ?
Dans ce cher et vieux pays qui est le nôtre, être majoritaire ne signifie rien, car la Constitution, taillée sur mesures pour De Gaulle, n’a rien prévu quand le peuple veut se défaire de ses dirigeants, fussent-ils tombés plus bas que terre : vous avez voté pour eux, ils sont élus, vous boirez le calice jusqu’à la lie et rien ne vous en débarrassera. Libre à toi, bon peuple, de huer ton président le jour où il videra enfin les lieux, comme c’est arrivé à Giscard. En attendant, ronge ton frein.
Or, par la grâce de Sa Majesté, certes tombée à 26 % d’opinions favorables dans les sondages, la situation s’est répliquée « à l’identique » (comme écrivent les augures des journaux) à Radio France. Jean-Luc Hees et Philippe Val, ces sicaires, sont unanimement détestés, mais nous les supporterons jusqu’à l’alternance de 2012 – à supposer qu’elle ait lieu, et c’est mal barré, vu le charisme des dirigeants du Parti Socialiste. (Et encore merci aux électeurs de 2002, qui ont donné leur voix, par mauvaise humeur, aux « petits » candidats, et ainsi, privant Jospin de quelques points, ont favorisé une droite dont on voit mal comment elle viderait les lieux maintenant qu’elle s’y est accrochée)
Hees et Val, exécuteurs des basses œuvres de Sarkozy, sont certes des menteurs et des gens dénués de tout scrupule, mais ce ne sont pas des idiots. Le mauvais coup consistant à se passer des services de deux humoristes plébiscités par les auditeurs (Didier Porte et Stéphane Guillon, si vous débarquez de Saturne), et cela sur ordre de l’Élysée quoi qu’ils en disent, ils l’ont accompli avec adresse : loin de les « virer », comme tout le monde l’a dit, ils ont tout simplement attendu la fin de leur contrat, qu’ils n’ont pas renouvelé. C’est inattaquable ! Tout patron a le droit d’agir ainsi, et les prud’hommes, saisis du cas, ne pourront pas annuler cette décision.
Naturellement, on a entendu Val, hier matin, protester qu’il veut seulement renouveler les programmes de la station qu’il dirige. Et l’on ressort à l’occasion le baratin technocratique déjà utilisé par Hees, naguère, lorsqu’il était directeur des programmes de France Inter, et qu’un chroniqueur médecin, Martin Winckler, gênait le lobby des labos pharmaceutiques. Prenant prétexte que Winckler bâtissait ses chroniques à partir des questions que les auditeurs lui envoyaient, Hees avait prétendu que France Inter devait être « une radio de l’offre, et pas de la demande ». Traduction de ce charabia technocratique : les auditeurs ne doivent pas faire le boulot du chroniqueur. Ce qui était idiot, Winckler ne faisant tout de même pas écrire ses textes par les auditeurs ; il leur répondait, simplement. Mais il fallait un prétexte qui semble relever de la stratégie éditoriale. C’est pareil dans le cas présent : Porte est là depuis onze ans et personne ne fait autant d’audience que lui, mais il faut « renouveler », et qu’importe si le public veut qu’on le garde.
Les deux spadassins du Palais-Gruyère devrait lire le livre de François de Closets, Le système EPM. Il y expliquait qu’on ne doit certes pas sonder le public AVANT de créer une émission nouvelle, car ledit public n’a pas d’idées sur la question ; mais qu’on doit le sonder APRÈS, et tenir compte de son opinion : s’il est mécontent du programme qu’on lui a proposé, on supprime le programme, s’il est content, on le garde ! C’est élémentaire, et tous les gens de radio le savent. D’ailleurs, Val n’a pas supprimé Le Fou du Roi !