Rions avec les génies en herbe

Publié le par Yves-André Samère

Le Grand Journal de Canal Plus invitait hier soir un garçon de treize ans, Emmanuel Memmi, présenté comme un génie. Particularité : ce fils d’un ingénieur à la retraite, et qui dit se destiner à la profession d’ingénieur en informatique, suit des cours normaux dans une classe de troisième et des cours de mathématiques dans une terminale S. Il avoue qu’il travaillerait moins si son père ne le poussait pas, mais que le travail ne lui est pas désagréable. Enfin, il affirme qu’on a un peu exagéré la hauteur de son quotient intellectuel, qui ne serait pas de 159, mais « seulement » de 155.

L’intéressant de cette affaire n’est pas le garçon, qui est tout à fait normal, simple et sympathique, mais le comportement des animateurs de l’émission : chacun, et ça ne m’a pas étonné, semblait tenir à faire valoir qu’il était lui-même « nul en maths ». J’ai dû entendre cette profession de foi, apparemment modeste, au moins dix mille fois depuis que j’écoute la radio ou que je regarde la télévision. C’est ce que j’appelle « le syndrome de Sacha Guitry ». Syllogisme inconscient (?) de la part des modestes : tout le monde sait que Sacha Guitry était nul en maths ; je suis nul en maths ; donc je suis Sacha Guitry. Bref, j’attends encore qu’un invité, en dehors du milieu scientifique, vienne déclarer à la télévision « Je suis très fort en maths », mais cette attente risque de durer un petit moment.

Naturellement les questions idiotes ont fusé. Par exemple l’inévitable interrogation grivoise sur les filles : « Les maths, ça aide ? ». Tout à fait, chers amis, ça aide à garantir sa tranquillité – en éloignant ces demoiselles.

Le clou de la soirée consistait à transformer l’intelligence en numéro de cirque : on demanda au garçon de résoudre une équation. Comme il possédait visiblement la technique, mais pas les dons pédagogiques nécessaires, toute l’assistance fut noyée dès la deuxième ligne de sa démonstration, d’où un effet comique très inattendu, comme de juste, et qu’on voyait venir depuis un quart d’heure.

Pour ceux que cela intéresse, il s’agissait de trouver, dans l’ensemble des nombres entiers relatifs (c’est-à-dire positifs ou négatifs), les valeurs satisfaisant à la condition 2x + 3y = 1. Comme il n’y avait qu’une seule équation pour deux inconnues, x et y, il existait, non pas une réponse, mais une infinité de réponses (chacune consistant en une paire de nombres), et la résolution revenait ainsi à trouver deux formules, permettant de générer une valeur pour x et une autre pour y. On obtiendra ainsi, par exemple, x = 2 et y = -1, puisque 2 fois 2 plus 3 fois -1 donnent en effet 1.

Ces techniques sont très faciles et ont une foule d’applications indispensables, mais elles n’ont rien à faire à la télévision, où elles ne peuvent susciter qu’un rire d’incompréhension, comme le feraient un cours de physique quantique ou une leçon de sanscrit. Mais la télévision, c’est cela : rire avec les choses sérieuses, et prendre un ton grave pour traiter les sujets ridicules. On n’en regrettera donc que davantage que Le Grand Journal n’ait pas confronté Emmanuel Memmi avec l’ancien ministre de l’Éducation nationale Xavier Darcos, qui s’y était couvert de gloire en se révélant incapable de poser une règle de trois !

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
<br /> Parfaitement exact ! Même en développant le raisonnement dans les moindres détails à l’usage des élèves faibles, une demi-douzaine de lignes suffisent à la démonstration. Je n’ai pas donné MA<br /> démonstration, qui saute aux yeux du premier venu, parce que cela ennuierait tout le monde, mais elle est très au-dessous du niveau de la Terminale S !<br /> <br /> Bref, le cher Emmanuel fera sans doute un bon ingénieur, mais il ferait un mauvais professeur, ce métier consistant entre autres à ne pas rendre compliquées les notions les plus simples.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Ridicule numéro d'esbrouffe. Si 2x+3y=1, y est forcément impair (si y était pair, 3y aussi, 2x+3y aussi et ne pourrait valoir 1)<br /> Donc y est de la forme 2k+1 et x : -1-3k. Vérifiez pour n'importe quelle valeur de k.<br /> Il n'y avait vraiment pas besoin de noircir tout un tableau.<br /> <br /> <br />
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