Sachez être réélu : ridiculisez vos ministres
SeaFrance est une compagnie maritime française basée à Calais. Elle est spécialisée dans la traversée de la Manche, entre Douvres et Calais. C’est en fait une filiale de la SNCF, qui détient la totalité du capital.
L’entreprise bat fortement de l’aile, et le tribunal de commerce de Paris a prononcé sa liquidation judiciaire en novembre dernier. Elle peut néanmoins continuer son activité jusqu’à la fin de janvier. Signalons qu’elle emploie neuf cents personnes. Le plan de liquidation prévoit que chacune, lors de son licenciement, touchera une prime de 50 000 à 60 000 euros.
Un plan de sauvetage a été imaginé, qui serait piloté par une Scop (société de coopérative ouvrière), laquelle a promis de « sauver » huit cents ouvriers. Mais il est assez flou, et, à la tête de l’État, on s’en méfiait tant que, lundi matin sur France Inter, le ministre de tutelle, Nathalie Kosciusko-Morizet, a déclaré que cela ne se ferait pas. Son subalterne Thierry Mariani, ministre des Transports, est encore plus hostile.
Cela n’a pas empêché Sarkozy, trois heures après cette prise de position, de faire savoir qu’il avait changé d’avis et qu’il était devenu partisan du projet repoussé par lui la veille. Trait de génie : on va fortement inciter les ouvriers licenciés à investir dans la Scop leur fameuse prime de licenciement. Si vous avez une idée pour les y obliger…
Ce trait est admirable : comme le président actuel a terriblement peur d’avoir sur les bras un nouveau contingent de chômeurs, il sacrifie ses ministres, qui pourtant ne parlaient que sur ses instructions, et les force à se ridiculiser en approuvant ce qu’ils réprouvaient quelques heures auparavant. Bien entendu, ni l’un ni l’autre n’a protesté, encore moins démissionné.
Quant au fait de savoir si le plan de sauvetage marchera, personne n’y croit. Mais l’essentiel n’est pas qu’il marche, c’est qu’on feigne que le chômage soit jugulé au moins jusqu’en mai.