Sachez (vous) prononcer !
En ce jour d’élections, je vous incite à (vous) prononcer comme il faut ! Certes, je comprends parfaitement que les Français butent sur les mots étrangers qui se sont installés dans notre langue, et qu’ils prononcent mal : plaza, patio, toubib, yacht, kamikaze. Même si, à mon (très humble) avis, il n’est pas difficile d’ouvrir un dictionnaire, et de découvrir, par exemple, que patio, mot espagnol, ne se prononce pas « passio » ! Quant aux noms propres étrangers, la courtoisie la plus élémentaire devrait nous interdire d’écorcher des noms et prénoms aussi répandus que Spielberg, Miguel, Risi ou Mohammed. Sans parler du fameux méridien de Grinouitche !
Mais lorsqu’il s’agit de mots français, il n’y a plus d’excuse, tout le monde possède au moins un dictionnaire. Après tout, vous avez bien un smartphone, qui coûte dix ou cinquante fois plus cher, voire plusieurs smartphones, et vous en offrez à vos enfants en bas âge... Or les mots français qui réservent des pièges de prononciation ne sont pas si nombreux, et si vous êtes capables de vous souvenir d’un but marqué par tel footeux au cours de tel match qui s’est déroulé en 1998, vous devriez retenir la prononciation correcte d’un mot usuel.
Voici donc une petite liste :
- août se prononce oute – pas a-oute comme souvent à la campagne ;
- abasourdir fait entendre un zou à la troisième syllabe – pas un sou ;
- agenda contient un jin après le A ;
- aiguiser est le piège suprême, PERSONNE ne semble savoir que le U se prononce ! Pourtant, dans aiguille, vous le faites entendre, puisque les deux mots viennent de aigu ;
- appendice contient un pin après le A ;
- almanach est régulièrement molesté par ceux qui le font rimer avec Pâques, or le CH final est muet ;
- arguer est un verbe à double emploi : s’il désigne l’action d’utiliser une argue (un outil employé par les bijoutiers pour diminuer le diamètre des fils d’or ou d’argent), il rime avec reggae ou fatiguer ; s’il désigne celle d’employer un argument dans une discussion, il se prononce comme argUment, et on DOIT par conséquent faire entendre le U ;
- Auxerre est un nom de ville assez connu pour qu’on le fasse rimer avec serre ;
- Bruxelles est un nom de ville assez connu pour qu’on le fasse rimer avec selle ;
- carrousel réclame un peu de zèle, pas de sel ;
- Cassis se termine en scie quand c’est le nom de la ville ; si c’est celui d’une baie comestible, on doit entendre le S final ;
- cerf rime avec serre. Alors que serf laisse entendre le F final ;
- Chamonix nie se terminer par le son ixe ;
- dégingandé est un mystère : pourquoi tant de gens s’évertuent à dire guin quand il faudrait jin ?
- enamouré n’a pas d’accent sur la première lettre. Donc, aucune raison de prononcer É-namouré (même Brassens a fait la faute !). On dit EN-namouré, ce que l’étymologie explique parfaitement, puisque c’est l’état de quelqu’un qui est EN amour ;
- Enghien est une ville assez connue pour qu’on ne prononce pas son I ;
- enivré, c’est comme enamouré : EN-nivré ;
- exempter ne doit pas faire entendre la consonne P ;
- gageure est massacré par les sots qui se laissent leurrer par cet E avant le U et ne servant qu’à adoucir le G. Donc, ga-JUre ;
- igné a fait buter jusqu’à Marguerite Yourcenar lors de son discours de réception à l’Académie française, il ne doit pas évoquer le gné des niais ou de François Hollande aux Guignols. Donc : IGUE-né ;
- immanquable ne doit pas être prononcé comme le fait Bernard Guetta : on doit dire IN-manquable – toujours l’étymologie ;
- linguiste n’est pas réservé aux linguistes, tout le monde est capable de dire GUI plutôt que GOUI ;
- liseré n’existe pas ! C’est liséré. Eh oui, ça choque ;
- loquace est un autre de ces mots que nul n’est capable de prononcer correctement. Il ne rime pas avec Boccace, et sa deuxième syllabe est un QUOI ;
- magnat, tout comme magnum, doit faire entendre son G. Ne dites donc pas mania, c’est réservé aux comédies musicales !
- moelle se dit moualle, mais chacun le sait déjà ;
- œsophage fait hésiter. Décidez-vous pour un É en début de mot ;
- osciller à le ille de ville, pas celui de bille ;
- pétiole se dit pé-siole ;
- rachis fait entendre le S final ;
- rehausser ne connaît pas de ré, laissez cela à la gamme, et dites REU ;
- solennel est plus musical, lui contient un la !
Il ne vous reste plus qu’à recopier cette liste et à l’apprendre par cœur. Ensuite, ne présentez PAS votre candidature à une place sur France Inter ou Canal Plus, on vous rirait au nez.