Tué « pour ses idées » ?
Ce qui suit n’est pas une prise de position politique, mais simplement une analyse du LANGAGE.
Bien sûr, je me suis senti triste quand Clément Méric a été tué. N’importe qui l’aurait été. En fait, ce qui m’agace, c’est la récupération de ce meurtre par des gens sans doute bien intentionnés, mais aussi un peu malhonnêtes intellectuellement. En clair, je ne crois pas, comme je l’ai encore entendu dire ce matin, que Clément ait été tué pour ses idées.
On vous tue pour vos idées quand vous êtes un personnage célèbre – ou au moins connu –, que vous dérangez des individus qui vous connaissent et vous haïssent à cause de ce que vous pensez alors qu’ils pensent le contraire, et qu’ils ont décidé de vous faire la peau. On ne peut pas contester, par exemple, que Jean Jaurès a été tué pour ses idées (par un type qui, d’ailleurs, a été acquitté en Cour d’assises !). De même pour Marat, ou pour Gandhi, ou pour Rabin et Sadate. Bref, vous êtes identifié par ceux du camp d’en face, et vous mourez dans un attentat CIBLÉ.
Clément Méric était un simple étudiant, encore très jeune, et il y a peu de risque que les skinheads aient entendu parler de lui et qu’ils se soient concertés et déplacés pour l’assassiner. Il est mort au cours d’une altercation devant un magasin où avait lieu une vente de vêtements portés par les deux factions, une bagarre ayant éclaté, suivie de coups absurdement échangés. La justice va avoir du mal à prouver que c’était un assassinat.
Je ne suis pas en train de soutenir que c’était un accident et que les idées politiques des protagonistes n’ont été pour rien dans cette affaire, mais l’intention préméditée de tuer quelqu’un parce qu’on voulait le faire taire n’est absolument pas prouvée. Les types qui l’ont frappé étaient des salauds et je souhaite les voir en taule. Mais ce n’étaient pas des tueurs en service commandé, chargés d’exécuter un adversaire politique.