Vous haïssez l’argent ? La solution !
J’ai eu naguère pour ami un écrivain, Jack Thieuloy, très connu du monde littéraire, mais que le public ignorait. Procurez-vous chez Gallimard son premier livre publié, L’Inde des grands chemins. Il était pauvre comme Job, et se nourrissait en volant dans les supermarchés (ce n’est pas une blague, il l’a fait devant moi, rue Saint-Antoine). Et comme il affectait de mépriser l’argent, il m’avait confié ce projet : si jamais j’héritais d’un million de francs, je convoquerais la presse, et je mettrais le feu en public à ce tas de billets.
Ce magnifique projet, qu’il n’a pas mis à exécution (ça vous étonne ?) le jour où son père est mort et lui a laissé en héritage plusieurs immeubles à Nîmes, présentait toutefois un petit inconvénient : il est interdit de détruire des billets de banque, et le jour où Gainsbourg, à la télévision, a brûlé un billet de cinq cents francs, il aurait pu être poursuivi... s’il n’avait pas été une vedette !
En réalité, il y avait un moyen de prouver sans risque son mépris de l’argent. Moi, j’aurais plutôt invité les journalistes à me rejoindre sur le Pont des Arts, et j’aurais balancé dans la Seine le fric honni. Double avantage : d’abord, comme je ne détruisais rien, je n’aurais encouru aucun risque. Ensuite, imaginez le plaisir de voir les badauds sauter du pont dans la Seine pour essayer de récupérer quelques billets ! J’aurais fait ça en plein hiver, histoire de corser l’évènement.
Et là, cette manifestation de cupidité collective, c’eût été un plaisir irremplaçable.