Boîtes noires

Publié le par Yves-André Samère

Le Prix Nobel de la Paix qui fait président à Washington gouverne si bien son pays qu’il fait des envieux et des émules. Au point que, chez nous, on envie ses réussites et on cherche à l’imiter. Certes, nous n’en sommes pas encore à envoyer nos prisonniers dans des pays démocratiques et amis comme le Maroc pour les y faire torturer, et la réouverture du bagne de Cayenne n’est pas à l’ordre du jour à l’heure où je mets sous presse (comme disait San-Antonio), mais enfin, espionner toute la population sous prétexte de combattre le terrorisme, ça, c’est in – voire hype !

Notre gouvernement bien-aimé a donc imaginé un projet de loi sur le renseignement, qui consiste, entre autres, à placer des « boîtes noires » chez les hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet, afin que les services de l’État puissent connaître et contrôler les données des entreprises et des particuliers, c’est-à-dire de tout le monde. Tous espionnés, ça c’est démocratique, coco ! Je vous dis tout de suite que ces boîtes noires ne sont pas des boîtes et qu’elles ne sont pas noires, mais il s’agit aussi de nous faire peur ; souvenez-vous que, il y a un an ou deux, certains journaux parlaient du « cabinet noir » de l’Élysée. Effrayer le populo, ça paye toujours, et c’est assez louis-quatorzien.

Or beaucoup de salopards, dont moi-même, sont radicalement opposés à cette initiative qui veut faire notre bonheur malgré nous, à l’instar de ce que voulaient autrefois les Soviets. Si bien que sont montés au créneau, comme on dit dans les journaux bien écrits, ces grincheux qui voient le mal partout : l’Observatoire des Libertés et du Numérique, la Ligue des Droits de l’Homme, la Quadrature du Net, et même le Syndicat de la magistrature ! Ces agitateurs osent critiquer ce projet de loi, qu’ils trouvent « liberticide », je vous demande un peu. Et les ont suivis les hébergeurs de sites, AFHADS, Gandi, IDS, Ikoula, Lomaco, Online et OVH. Ces ennemis de notre sécurité ont envoyé une lettre ouverte au Premier ministre, osant le mettre en garde, comme ils disent : cette loi, si elle est votée, va faire du petit bois avec la protection de nos données personnelles. Outre cela, ils pensent que la croissance du marché de l’hébergement est menacé, ainsi que ses investissements et ses emplois (directs et indirects). Ben oui, un « Patriot act » made in France pousserait leurs clients à transférer leurs activités auprès d’un fournisseur étranger, ce qui, on imagine bien, boosterait encore davantage l’économie de ce cher et vieux pays, puisque lesdits hébergeurs et fournisseurs d’accès prendraient vite le même chemin. Faut-il avoir l’esprit mal tourné, ces gens-là ont sûrement de mauvaises lectures.

Le gouvernement français est admirable d’efficacité : l’une des rares activités qui marchent en France, il la pousse à plier bagages. Ce doit être ça, inciter !

Publié dans Absurdités

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