« Ce grand pays doit dominer le monde »

Publié le par Yves-André Samère

En général, j’aime assez les films de Clint Eastwood, mais je ne suis pas un inconditionnel, et si j’ai peu apprécié son J. Edgar sur ce pourri qu’était Edgar Hoover, patron inamovible du FBI, j’ai détesté son dernier, American sniper, sur un autre personnage aussi douteux mais moins intelligent, Chris Kyle.

Ce Kyle était ce qu’on appelle un SEAL – rien à voir avec un cachet ou un phoque, c’est l’acronyme de « SEa, Air, Land », par quoi on désigne les membres d’un commando de la Marine des États-Unis entraîné aux opérations « spéciales », c’est-à-dire illégales : assassinats, exécutions de personnages gênants pour le gouvernement, etc. Mais nous avons cela chez nous aussi !

Chris Kyle a écrit son autobiographie sous le titre qui a servi au film. Enfin, quand je dis qu’il l’a écrit, il faut comprendre : il l’a signé, mais le livre a été rédigé par deux nègres, Scott McEwen et Jim DeFelice, et a été traduit en français par Franck Mirmont et adapté par Véronique Duthille. Ils se sont donc mis à cinq pour produire ce chef-d’œuvre. C’est le Club des Cinq ! Mais la personnalité de son signataire est définie par ce genre de passage : « Les gens me demandent toujours : “Combien de personnes avez-vous tuées ?”. Je réponds habituellement : “Le chiffre exact fait-il de moi quelqu’un de différent ?” Honnêtement [sic], le nombre n’est pas important. J’aurais juste aimé pouvoir en tuer plus. Non pas pour clamer mes exploits, mais parce que je suis persuadé que le monde se porterait mieux s’il y avait moins de ces salopards qui cherchent à tuer des Américains ».

On reconnait l’idéologie dominante aux États-Unis, et qu’avait si bien exprimée Mitt Romney, candidat républicain favori pour l’élection présidentielle de 2012 : prononçant dans une école militaire de Charleston (Caroline du Sud) son premier grand discours de politique étrangère, il avait déclaré que « Dieu n’a pas créé ce pays pour être une nation de suiveurs. [...] L’Amérique doit diriger le monde, ou bien quelqu’un d’autre le fera ». Ben oui, puisque Dieu est avec les Yankees.

Dans son film, Eastwood ne porte aucun regard critique sur ces inepties, et les reprend à son compte. On n’y reconnaît pas la compréhension envers les peuples étrangers qui faisait le fond de son autre film, l’un de ses meilleurs, Gran Torino, où le personnage raciste qu’il jouait au début se prend d’amitié pour un jeune Asiatique, au point de lui léguer, à sa mort, ce qu’il avait de plus précieux : sa voiture.

Publié dans Absurdités, Cinéma

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