Le « F... word »
On rapportait ce matin sur France Inter qu’Obama, lassé des exactions commises par la police de son pays sur les Noirs, avait donné une interview dans laquelle il osait employer le mot nigger (en français, nègre), totalement exclu dans les radios et télévisions. Il faut dire que, si les films états-uniens sont particulièrement orduriers et sèment des centaines de fois le mot fuck dans leurs dialogues, c’est prohibé dans les médias qui touchent les familles sans aucun filtre légal. Là, on ose à peine dire « the F... word » ou « le mot de quatre lettres », en supposant que le public complètera de lui-même, tout comme, chez nous, on trouve souvent sur Internet des commentaires dont les auteurs ont remplacé merde par m**** !
Il faut préciser que cette pudibonderie n’a pas toujours existé. D’abord aux États-Unis, puisque, dans Autant en emporte le vent, roman publié en 1936 et que je suis en train de relire, le mot tabou revient à toutes les pages. Également en Angleterre, où elle varie. En septembre 2009, j’ai revu à la télévision, et en version originale sous-titrée, un bon film que j’avais vu antérieurement, mais doublé en français. Il datait de 1954, s’intitulait The dam busters (en français, Les briseurs de barrage), et il était de Michael Anderson. Or l’un des personnages avait un chien noir, qu’il avait appelé Nigger, et ce nom revenait une bonne dizaine de fois dans le dialogue, très distinctement. Ce qui ne choquait personne en 1954. Mais le sous-titrage de la télévision devait être récent, car le sous-titreur avait visiblement renâclé devant l’obstacle. De sorte que, chaque fois qu’un personnage disait « Nigger » sur la bande sonore, on pouvait lire « Trigger » dans les sous-titres, ce qui n’a aucun sens, puisque ce mot signifie « gâchette » ! Ce qui serait passé inaperçu dans le contexte devenait ainsi visible comme le mensonge ruisselant sur la face d’un homme politique.
Néanmoins, excès contraire, il y eut aussi un autre film britannique célèbre, de 1949, intitulé chez nous Noblesse oblige (en anglais, Kind hearts and coronets), réalisé par Robert Hamer, où Alec Guiness jouait huit personnages. Or, dans une chanson, et jusque dans la version originale, le mot nigger a été remplacé par sailor (« marin ») !