Utilisation du 49.3

Publié le par Yves-André Samère

Avouez qu’il est merveilleux, cet article 49.3 de la Constitution française, il nous ramène au bon vieux temps où, à l’époque de la Rome antique, le pater familias avait droit de vie et de mort sur toute sa maisonnée. En gros et en français compréhensible, il tient lieu de cet avertissement adressé par le Gouvernement aux députés : « Bon, maintenant, les gars, assez rigolé. Ou bien vous votez la loi qu’on vous propose sans y changer une virgule, ou bien vous vous mettez d’accord pour nous censurer dans les prochaines vingt-quatre heures. Auquel cas le président pourrait bien vous dissoudre, et vous vous retrouveriez face aux électeurs, qui ne voteront pas forcément pour vous puisque vous aurez semé la pagaille ».

Le 49.3 ressemble donc beaucoup à une arme de destruction massive de la représentation populaire, et on aurait tendance à croire que c’est une arme de droite. Vraiment ? Creusons un peu.

Créé par la Constitution de la Cinquième République rédigée en 1958 par Michel Debré pour le compte de Charles De Gaulle, cet article a été utilisé par les Premiers ministres suivants :

- Michel Debré, de droite : quatre fois ;

- Georges Pompidou, de droite : six fois ;

- Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Messmer, Jacques Chirac, de droite : jamais (en huit ans) ;

- Raymond Barre, de droite : huit fois ;

- Pierre Mauroy, de gauche : sept fois ;

- Laurent Fabius, de gauche : quatre fois ;

- Jacques Chirac, de droite : huit fois ;

- Michel Rocard, de gauche : vingt-huit fois (je dis bien 28) ;

- Édith Cresson, de gauche : huit fois (en dix mois de présence) ;

- Pierre Bérégovoy, de gauche : trois fois ;

- Édouard Balladur, de droite : une fois ;

- Alain Juppé, de droite : deux fois ;

- Lionel Jospin, de gauche : jamais ;

- Jean-Pierre Raffarin, de droite : deux fois ;

- Dominique de Villepin, de droite : une fois ;

- François Fillon, de droite : jamais ;

- Jean-Marc Ayrault, de gauche : jamais ;

- Manuel Valls, de « gauche » : trois fois, et pour la même loi (Macron).

Récapitulons : la droite a muselé l’Assemblée nationale trente-deux fois, et la gauche, cinquante-trois fois, dont trente-neuf sous Mitterrand, plus que toute la droite en cinquante-trois ans. Il n’y a eu que cinquante motions de censure déposées, dont... aucune n’a été votée. Ce qui suffit à montrer que les conséquences du 49.3 terrorisent les députés.

Je ne commente pas, tirez-en les conclusions que vous voulez.

Publié dans Politique, Histoire

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