Lecture pour « losers »
Le croiriez-vous ? Je pense être parfaitement heureux. Et savez-vous pourquoi ? Parce que, au contraire de la presque totalité de mes contemporains, je ne suis PAS « connecté » !
Non, je ne vis pas au milieu du Sahara. Le Sahara, je connais parfaitement, figurez-vous, car j’y ai passé une pincée d’années, et j’en garde le souvenir le plus net et pas du tout nostalgique. Aujourd’hui, je vis au centre de Paris, dans le premier arrondissement, là où est né Molière et où sont inhumés Marivaux, Colbert et... Scaramouche ! Seulement voilà, je ne suis pas plus connecté que ces illustres personnages du dix-septième siècle. Lorsque je sors de ma tanière, je n’ai sur moi aucun gadget permettant de me sonner comme un vulgaire domestique, et bien malins les services étatiques de renseignements qui pourraient déterminer à quel endroit de la capitale je traîne mes guêtres.
Mais alors, me direz-vous, comment fais-tu avec ton courrier électronique ? Sur quoi regardes-tu les dernières bandes annonces des films qui sortent, quand tu es dans le métro ? Comment sais-tu que Valls et Hollande ont infléchi la courbe du chômage et que les Enfoirés viennent de sortir une chanson sur les réfugiés de Syrie ? C’est très simple, je ne le sais pas, et je m’en fiche autant que de la dernière tournée d’adieux de Charles Aznavour. Mon courrier électronique, j’y jette un coup d’œil le matin vers huit heures, puis encore une fois le soir, avant de me plonger dans un livre (en ce moment, c’est Samarcande, d’Amin Maalouf). Pas besoin, quand je me déplace, d’avoir mon regard rivé en permanence sur un écran – au risque de choir dans un égoût.
Vous qui pensez sérieusement qu’il est indispensable de connaître à chaque instant tout ce qui fait l’actualité immédiate (et qui sera sans doute contredit demain, car les responsables se sont trop pressés d’annoncer des nouvelles fausses ou dénuées de tout intérêt), vous qui croyez que le monde entier a les yeux fixés sur vous et que vos relations brûlent de savoir dans quelle boîte vous avez terminé votre soirée d’hier et d’admirer vos photos-souvenirs de Marrakech ou des Seychelles, lisez plutôt cet article paru dans la revue ChEEk, sous la plume avisée de Julia Tissier (une descendante de Jean ?), très justement intitulé Pourquoi Facebook et Instagram font-ils de nous des losers ? Et, occasionnellement, lisez aussi le livre de Thomas Zuber et Alexandre des Isnards, Facebook m’a tuer. Il existe au format ePub, distribué gratuitement par le cher Béchir Houman.