Vivent les copies !
Hier, j’ai fait allusion à Roland Moreno, le célèbre inventeur de la carte à mémoire, dite un peu bêtement « carte à puce », et qui a inventé bien d’autres choses (Ah ! Le bizarre programme « radoteur »...). Esprit très imaginatif, il a écrit plusieurs livres où il donne libre cours à ses idées, dont je n’ai lu que deux : Théorie du bordel ambiant et Victoire du bordel ambiant. Et c’est dans ce dernier livre, publié en 2011, un an avant sa mort, que figure cette idée un peu iconoclaste : pourquoi, dans nos musées, ne pas remplacer les œuvres originales par... des photocopies ? Ce qui permettrait de revendre aux étrangers les originaux, et de combler ainsi quelques trous dans nos phynances.
J’entends d’ici vos cris d’horreur, mais, réflexion faite, est-ce que ce ne serait pas du fétichisme de notre part que de conserver au Louvre la Joconde, par exemple ? Perpétuellement protégée par une vitre épaisse – que je suppose à l’épreuve des balles –, séparée des visiteurs du musée par une barrière et un espace de plusieurs mètres, visible seulement quelques secondes puisqu’il faut bien que chacun laisse la place à ceux qui piétinent derrière, mieux protégée, en somme que le pape ou le président des États-Unis, ce tableau, qui peut se vanter de l’avoir réellement VU ? Et qui s’apercevrait de la substitution ? Moi, en tout cas, jamais !
Et puis, les acheteurs étrangers seraient si contents ! Vous imaginez la joie et la fierté d’un roi texan du pétrole rapportant à Dallas le chef-d’œuvre de Léonard ? On s’en ferait, des amis ! Et pas des plus fauchés. Voilà qui peut servir...
Certes, le principe même de l’œuvre d’art, par définition unique, serait un peu bousculé. Mais je vous ferai remarquer que ce type de substitution d’une œuvre originale par une copie a été employé au moins deux fois, sous l’autorité du ministère de la Culture, et à la satisfaction générale, puisqu’on a reproduit « à l’identique », comme il faut dire, les grottes Chauvet et de Lascaux, non seulement les peintures pariétales qu’elles abritent toujours, mais aussi les grottes elles-mêmes, dans leur configurations. Ces reproductions n’ont rien d’authentique, puisque, par exemple, la nouvelle grotte Chauvet est construite à l’intérieur d’un bâtiment circulaire en béton, à six kilomètres de la véritable grotte.
Quant à nos hommes politiques, lorsqu’ils décèdent, pourquoi se contenter de les remiser au Panthéon, où nul ne va jamais ? On pourrait les recouvrir de cire, comme dans le film House of wax, et les céder contre un bon prix aux diverses succursales de Madame Tussaud, à Londres ou Amsterdam par exemple. Ce n’est pas si loin, et nous pourrions aller les (re)voir pendant nos vacances.