Inphotographiable

Je vous ai déjà confié mon trouble d’être invisible. Cet état peut avoir des avantages, mais aussi des inconvénients. Or, ce matin, j’ai eu confirmation que cette invisibilité ne se manifestait pas seulement envers les êtres humains, mais aussi envers les machines.

Baguenaudant sur la Place de l’Hôtel de Ville, j’ai eu l’idée de faire un tour au BHV (le Bazar de l’Hôtel de Ville, pour les malheureux qui n’ont pas ma chance, vivre à Paris). Oui, j’adore musarder dans les grands magasins, c’est ainsi. Et d’autant plus que le deuxième étage du BHV, où se trouve la librairie, est vaste, plus vaste que la FNAC ; je pourrais donc y passer ma journée. Or je suis tombé par hasard sur une cabine de Photomaton – ces endroits où l’on peut se faire photographier sans l’intervention d’un autre humain, et surtout, sans passer par cette horreur qu’est le selfie.

Je suis donc entré dans la cabine, avec d’autant moins d’appréhension qu’on n’y paye qu’en sortant, après avoir récupéré ses photos. Je me suis assis sur le tabouret, et j’ai lu les instructions, très bien faites, très claires, qui s’offraient à mes yeux, confirmées par une voix féminine m’expliquant bien tout, au cas où j’aurais été un candidat d’un jeu télévisé.

Inutile de dire que, docile et pas contrariant comme vous me connaissez, j’ai suivi à la lettre les conseils donnés. Or tout cela n’a débouché que sur la remarque finale, donnée par la même voix, que ma photo n’était « pas conforme ». J’ai par conséquent recommencé la totalité du processus, pour obtenir en fin de compte (les cons disent « au final ») la même conclusion : photo non conforme. Pas conforme à quoi, je n’en sais rien.

Je n’ai pas insisté, ayant compris (les cons disent « réalisé ») que, décidément, même les machines automatiques ne me voient pas.

Vous comprenez à présent pourquoi je ne peux pas avoir de carte d’identité ! Je suis inphotographiable.