Le scandale du jour

Publié le par Yves-André Samère

Le scandale du jour, c’est le fait que Marine Le Pen, apostrophant sur Twitter Jean-Jacques Bourdin, a inséré dans trois de ses messages un lien vers des photos d’atrocités commises par les assassins de l’État islamique (non, je ne dis pas « Daesch », et j’ai expliqué pourquoi). La famille d’une de ces victimes a d’ailleurs protesté, argüant qu’on manquait de respect à James Foley, journaliste et première victime connue, décapité en août 2014.

Deux points : d’abord, je déteste en bloc toute la famille Le Pen, je ne prends en aucun cas la défense de ces fachos, et jamais je ne voterai pour un de ses membres. Tout comme j’ai voté pour Chirac en 2002, je voterais même pour Sarkozy s’il était le seul adversaire d’un (ou une) Le Pen à l’une des élections à venir. Ensuite, je ne suis pas du tout voyeur, je ne me régale d’aucun spectacle morbide, et lorsque, dans la rue, j’entends, ce qui est rare, le fracas d’un accident de la circulation, je ne prends pas la peine de me retourner pour voir ce qui s’est passé. On peut être curieux, et je le suis, mais pas de ça.

Il n’empêche que je suis allé voir les trois photos publiées par Marine Le Pen. Elles représentent des choses évidemment horribles, pas du genre à montrer aux enfants ou aux personnes sensibles (je ne les confonds pas, il y a des enfants affreusement insensibles) : le corps de Foley, avec sa tête posée sur la poitrine ; un homme en cage auquel on a mis le feu ; et un homme sur lequel un char d’assaut est en train de passer. Mais enfin, on a vu bien pis, ne serait-ce qu’au cinéma, où, pour aggraver les choses, ça bouge et c’est sonore ! Quelques exemples.

Dans La peau, film de guerre de Liliana Cavanni, sorti en 1981, un soldat est écrasé par un char d’assaut. On voit tout, y compris ce qui reste de l’homme APRÈS le passage du char.

Dans Catch 22, film de Mike Nichols, sorti en 1970, un homme est éventré, et on voit en gros plan ses viscères s’échapper de son abdomen.

Dans ce film très à la mode du cinglé Nicolas Winding Refn, intitulé Only God forgives, sorti en 2013, un bandit crève l’œil d’un autre avec un couteau. Comme Refn « a la carte » (ce qui signifie qu’il est l’un des chouchous de la critique), tout le monde a trouvé ça très bien.

Dans Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pier Paolo Pasolini, sorti en 1975, les quatre notables du château font torturer et mettre à mort de très jeunes garçons et filles qu’ils ont fait enlever pour en faire des jouets sexuels. On voit l’un des garçons, joué par Franco Merli, 19 ans, tout nu, se faire couper la langue, brûler la poitrine au fer rouge et arracher un œil avec un couteau. La critique a crié au chef-d’œuvre, sauf Michel Ciment, qui a trouvé le film abominable.

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Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

J
Schneidermann a écrit un billet intéressant sur le sujet, sur le contraste entre des photos de cadavres de morts du Bataclan ou d'Afrique (par exemple), et le deux poids deux mesures. A priori, je ne vois pas pourquoi on refuserait à MLP le droit de publier ces photos. Dans ce cas, autant censurer bon nombre de livres d'histoire, de photos de guerre, de reportages, etc...
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Y
Je ne vois pas non plus, et j’ai cité quelques films qui étaient allés beaucoup plus loin dans l’horreur. Ces photos n’étaient pas si facilement accessibles, et, pour les voir, il fallait vraiment les chercher. Ces cris d’orfraie me rappellent l’hypocrisie de la presse française, qui savait tout sur la vie privée de DSK, mais n’en disait rien, alors que cela engageait l’avenir du pays. De même avec la santé de Pompidou et de Mitterrand (et pas seulement la santé, pour ce dernier !).
M
Quand vous dites "morbide " voulez -vous dire "macabre " ?
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Y
Des goûts et des couleurs... Je m’en tiens au Littré, qui est LA référence, de préférence à tous les micro-trottoirs. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment une question de préférence, mais de rigueur dans l’expression. Ce que nous avons de mieux dans ce pays, c’est notre langue. Alors, tâchons de ne pas la jeter aux orties.
M
Votre réponse est habile, mais personnellement, je préfère dans ce contexte et dans cette tournure de phrase le mot "macabre" à "morbide". <br /> Le second est désormais régulièrement détourné de son sens sous la plume de nos fins lettrés de journalistes, pour remplacer le premier. J'ai effectué un petit sondage dans mon entourage (l'équivalent du micro-trottoir) et tous mes interlocuteurs pensent que morbide signifie "qui a un rapport avec la mort". Je sais à quel point vous êtes attaché à l'emploi du juste mot !
Y
J’ai hésité. Ce qui est macabre a rapport avec la danse, la musique ou la peinture, selon le Littré, or ce serait hors-sujet dans le cas présent. Est morbide ce qui touche à la maladie, et, en effet, dès qu’on se délecte de la mort d’autrui, on est à mes yeux un grand malade.