Se soigner ? Interdit aux pauvres !
Comme je suis, après mon opération du foie, en convalescence pour un bon mois, je dois suivre un traitement quotidien comprenant entre autres une trentaine de piqûres : l’injection d’un anticoagulant censé très efficace. Ce qui me fait toujours penser à Cyrano de Bergerac, rétorquant au comte de Guiche qui lui avait proposé de soumettre ses écrits à Richelieu, et ajoutant « Il vous corrigera seulement quelques vers ». À quoi Cyrano avait répondu « Impossible, Monsieur, mon sang se coagule / À l’idée qu’on y peut changer une virgule » (je ne garantis pas l’exactitude de la citation, faite de mémoire).
Donc, muni de mon ordonnance, je me suis mis en quête d’un cabinet d’infirmiers dans mon quartier. Or tous, absolument tous, se déplacent pour vous piquer à domicile, ce que je ne veux pas, pour deux raisons : je ne laisse aucun étranger pénétrer chez moi, et les médecins m’ont recommandé de marcher un peu tous les jours. Les infirmiers n’utilisent guère leur cabinet que pour y ranger leurs dossiers et leur matériel, et sont en vadrouille le reste de la journée. Ce qui est le cas du tandem d’infirmières que j’ai dénichées, et qui ont accepté que je me fasse piquer sur place.
Or, hier, parvenu face à leur portail, impossible d’entrer dans l’immeuble ! Il est muni d’un Digicode dont je n’ai pas le code. J’ai dû revenir chez moi, à cinq minutes de là, afin de prendre mon téléphone mobile et, revenu face au portail récalcitrant, d’appeler l’infirmière avec laquelle j’avais rendez-vous.
Résumons : aujourd’hui, vous ne pouvez pas vous faire soigner si vous n’êtes possesseur d’un de ces gadgets à trois cents euros qu’aucune loi ne vous oblige à posséder. Comment font les pauvres ?
Je ne sais pas où va notre prétendue civilisation, mais elle y va, et à grands pas.